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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 5 DÉCEMBRE 2002

SI JE ME MÉFIE DE JUPPÉ, JE PEUX T’EN PARLER ?

Est-ce la marque d’un sectarisme partisan et politicien que de critiquer ses orientations

Si je consulte les récents articles de presse consacrés à M. Alain Juppé, la liste en est impressionnante, mais le contenu semble exclusivement relever de deux rubriques : la politique au sens le plus étroit, ce qu’on appelle couramment la politique politicienne, je préfère dire la cuisine, d’une part, et, d’autre part, la chronique judiciaire.

Car l’homme que l’on a porté officiellement le 17 novembre 2002 à la tête du premier parti unique de la droite depuis les divisions du parti de l’ordre en 1873, se trouve mis en examen depuis le 21 août 1998 dans l’affaire du financement illégal du RPR par le Budget de la Ville de Paris dont il supervisait les Finances. Voilà ce qu’en substance le Monde (1) rappelait encore à ses lecteurs.

Pire encore : le même journal, dans des articles mis à jour le 3 octobre entre 11 heures 30 et 12 heures 30, révélait le contenu des auditions de M. Michel Roussin, éphémère ministre de la Coopération, qui n’est plus mis en examen depuis juin 2001 et qui était entendu en qualité de "témoin assisté" ce même 3 octobre par le juge d’instruction de Nanterre M. Alain Philibeaux en charge de l’enquête sur le financement du RPR.

Il serait intéressant de savoir par quel miracle de la technique de telles informations sur le contenu de ces auditions sont parvenues à ce journal. Puisque nous vivons en théorie sous le régime légal du secret de l’instruction, puisque la désuétude des lois n’existe pas dans le Droit français, la chancellerie, service public à la française, pourrait-elle nous faire la grâce de nous informer des éventuelles recherches relatives aux fuites dans la tuyauterie si complexe de ses services, qui, étant dits "publics", sont aussi les nôtres ?

Ainsi, à en croire le quotidien trotskiste de la pensée unique, le dispositif des emplois fictifs de la Mairie de Paris jusqu’en 1993, en tout cas, aurait été la chose de M. Juppé, aux dires de M. Roussin, à l’époque Directeur de cabinet du Maire de Paris.

Une telle affirmation, si elle est retenue par la Justice lors d’un procès qui pourrait bien se dérouler en 2003, perturbe le jeu politicien.

Faut-il s’en préoccuper du point de vue des libertés sociales et de l’économie ?

Autre manière de poser la même question : M. Juppé est apparemment le chef de la droite, seul maître à bord après le président de la République, — dont on ne saurait dire qu’il serait d'ailleurs entièrement étranger au dossier à défaut de pouvoir être cité dans la procédure. Comme tout triumvirat qui se respecte ses comparses Douste-Blazy et Gaudin n’y représentent pas le potentiel de rivalité : ce sont les Ducos et Cambacérès de ce petit Bonaparte, ayant écarté Siéyès en la personne de Sarkozy. Faut-il alors préférer l’un ou l’autre ?

La véritable réponse devrait être globalement non, par mépris pur et simple pour le rôle des hommes de l’État. La France évoluera du fait de son immersion dans la concurrence européenne et mondiale. La seule question que l’on doit se poser repose sur le degré d’adaptation que lui permettront les pesanteurs de l’intervention politique.

Reste précisément que ces pesanteurs sont liées à des subjectivités inscrites dans le champ politique. En ce sens, il n’est pas totalement vain de se demander quelles influences respectives pourraient éventuellement exercer les tandems Raffarin-Sarkozy ou Juppé-Fillon, étant bien affirmé qu’à nos yeux, les deux derniers sont et demeurent les "barons noirs" de l’actuelle majorité ?

Quel mal peuvent donc faire à l’économie française ces deux énarques bien vêtus ? Pourquoi sommes-nous si méfiants à l’endroit de tels gendres si conformes à l’idée de la perfection qu’on se fait dans une bourgeoisie parisienne toujours admiratrice de Voltaire et de Talleyrand.

Au sein du gouvernement actuel M. Sarkozy s’est fait une spécialité, conforme à son rôle de Ministre de l’Intérieur, dont les conséquences ne sont qu’indirectes sur l’économie, encore qu’il serait ridicule d’en sous-estimer l’importance sociale. L’immigration, le sentiment et la réalité de l’insécurité et de la délinquance : tout cela joue un grand rôle. En revanche, il est encore prématuré d’évaluer le degré véritable de sa réussite qui semble surtout d’ordre psychologique pour l’heure.

Quant à son rival en influence ministérielle, M. Fillon, son égal protocolairement, lui-même lié à son adversaire déclaré au sein de l’UMP, M. Juppé, on voit bien de quelle politique ils relèvent l’un comme l’autre. On ne touche pas au fond de la réglementation héritée du socialisme. On refuse toute libéralisation chirurgicale pouvant apparaître pour libératrice. On réglemente à nouveau dans un sens moins favorable à la démagogie syndicale. C’était le sens du plan Juppé de 1995 et de toutes les ordonnances signées par M. Barrot en 1996 et 1997 (2). Et c’est, en l’an de grâce 2002, la politique suivie par M. Fillon, s’agissant du dossier des 35 heures.

Ce n’est pas s’imbriquer dans une polémique partisane ou politicienne que de critiquer de telles orientations.

C’est remarquer que le projet de loi de Finances pour 2003 n’a pas encore entamé la décrue du nombre de fonctionnaires alors que l’intérêt même des agents de la fonction publique sera, dans les années à venir, d’être

Sur tous les dossiers on voit assez bien quelle influence négative découle des orientations personnelles de M. Juppé.

La question n’est donc pas de savoir si nous aimons ou si nous détestons cette personne mais si nous soutenons ou si nous critiquons ses orientations.

JG Malliarakis

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(1) Dans son édition datée du 4 décembre.

(2) Ces signatures dociles de textes administratifs par M. Barrot ont été sans doute récompensées par la présidence du groupe parlementaire UMP.

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