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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

MARDI 10 DÉCEMBRE 2002

L’EUROPE ABORDE UNE MUTATION CONSIDÉRABLE

Alors que la France se trouve dans une situation très fragile

L’un des signes les plus assurés d’une situation inquiétante est lorsque les médiats s’accordent à nous dire que tout va bien. À 48 heures de la réunion de Copenhague, où il serait si commode de pouvoir applaudir sans réserves à l’élargissement de 15 à 25 États de l’Union européenne, au moment où le Ministre de l’Intérieur français peut se flatter d’enregistrer un recul statistique de la délinquance avec un soutien très large de l’opinion, on traitera évidemment de grincheux tous les Français qui s’inquiètent pour l’avenir.

Tout n’est peut-être pas si rose qu’on veut bien nous le dire. Quand une politique restrictive de l’immigration est non seulement affichée par l’État mais, aussi, manifestement désirée par le peuple, on peut s’étonner de voir des magistrats non pas appliquer "la" loi mais interpréter dans le maquis des lois et des règlements (1) le détail de procédure leur permettant de contredire la volonté générale, on peut se demander si l’optimisme est vraiment l’attitude la plus convaincante.

Le peuple français n’est peut-être pas si convaincu que cela de la pertinence du verrouillage du parti unique des droites inventé par M. Juppé, si triomphalement propulsé le 17 novembre à la tête d’une coalition et si copieusement désavoué le 8 décembre, à peine 3 semaines plus tard, au premier choc de la première élection partielle.

Or, c’est dans cette situation très fragile que notre pays aborde une mutation considérable de l’Europe. Car indépendamment des problèmes de bornages, autour desquels s’agitent incontestablement les questions d’identité de l’Europe, la nouvelle étape d’une Europe de

entraînera avant même 2004 des conséquences allant bien au-delà de l’époque de Jean Monnet. Mais les instruments intellectuels dont les dirigeants français disposent pour résoudre ces nouvelles questions ne sont plus ceux des hommes politiques des années 1950. Sans Robert Schuman et quelques autres jamais les évolutions désirées par les technocrates n’auraient vu le jour. Il a fallu toute l’autorité du général De Gaulle pour imposer à partir de 1958 l’application du Traité de Rome en 1957 et d’ailleurs copieusement critiqué par les gaullistes.

Dans la configuration actuelle de la construction européenne à 25, et pour s’en tenir au paysage politique français nous ne voyons ni un Charles De Gaulle ni ses adversaires démocrates chrétiens – ni aucun survivant ou continuateur véritable du défunt Comité Monnet pour les États-Unis d’Europe.

Certains optimistes objecteront peut-être la phrase de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la Convention pour l’Avenir des institutions. Mais précisément, qu’a donc produit, pour l’heure, cette convention ? Courageusement, son président a fait remarquer que la Turquie dont 95 % du territoire est asiatique et 98 % de la population est musulmane, n’a pas vocation à faire partie de l’Europe pour des raisons structurelles. Mais que n’a-t-il pas dit, ce saint Jean Bouche d’Or ? Il ne fallait pas le dire. Et M. de Villepin s’est empressé de riposter en se nommant lui-même représentant du gouvernement français puis en faisant des déclarations (2) affirmant que, selon lui, et selon l’État français dont il est le ministre des Affaires étrangères par la grâce de Dieu, l’élargissement ne devrait pas s’arrêter à la seule Turquie : l’Afrique du Nord, bien entendu, et même l’Amérique Latine sont au menu.

Un à un, tous les professionnels du conformisme sont appelés à souscrire à des tribunes libres et des libres opinions applaudissant en cadence à l'idée de la Turquie européenne.

Or, la question qui se pose n’est même pas de savoir ce qui se passerait dans l’hypothèse d’adhésions aussi exotiques. Elle est d’ores et déjà de nous montrer comment ça va fonctionner à 25 et ce à quoi cela va effectivement servir.

Nous devons espérer, et militer pour que la nouvelle configuration européenne permette de balayer l'héritage des conceptions sociales démocrates de l’Europe. Certes.

Mais le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas gagné dans les esprits non seulement de la plupart de nos compatriotes mais aussi de bon nombre de nos partenaires et de certains pays candidats. Les bureaucraties syndicales agricoles sont au premier rang mais elles ne sont pas seules. On observera d’ailleurs que toute une rhétorique en appelle à plus de redistribution au sein de l’Europe dénonçant la dérive que l’on dit imposée par les très méchants ultralibéraux.

Nous avons toujours été convaincus que la question de l’immigration se pose effectivement à l’échelle de l’Europe. Mais cela ne veut pas dire qu’on s’apprête effectivement à la résoudre par l’effet de la coopération intergouvernementale actuelle. L’affaire de Sangatte le prouve hélas à l’évidence puisque, finalement, si les Français se congratulent de voir partir les clandestins, le fait est qu’ils se destinent à immigrer vers la Grande Bretagne, c’est-à-dire vers l’Union européenne.

Parler d’harmonisation des législations, prévue par le traité d’Amsterdam de 1997, c’est d’ailleurs se leurrer aussi. Si la Lettonie et l’Angleterre avaient la même législation sociale cela n’empêcherait pas les Kurdes, les Pakistanais ou les Afghans de se réfugier à Londres plutôt qu’à Riga.

Nous sommes donc confrontés à un manque total de réalisme et en même temps à une absence assez consternante d’idéal et de logique.

Ce sont ces terrains, laissés en jachère par les utopistes de gauche et les technocrates de droites qui requièrent une grande vigilance si l’on veut que la France se redresse véritablement au sein d’une authentique Europe des Libertés.

JG Malliarakis

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(1) On a pu parler à ce sujet de "harcèlement textuel" car les 27 lois promulguées en 2001-2002 ont donné lieu à 617 décrets et arrêtés. La seule loi dite de Modernisation sociale de janvier 2002, quoique déjà en voie de "toilettage", devrait entraîner la rédaction de 125 mesures réglementaires.

(2) Le 2 décembre à Marseille.