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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 11 DÉCEMBRE 2002

LA FÉODALITÉ FINANCIÈRE DE LA CAISSE DES DÉPÔTS

Appartient-elle de droit divin à la gauche ?

M. Lebègue directeur général de la Caisse des Dépôts est candidat à sa propre succession.

Une passe d’arme significative s’est déroulée, de la manière conventionnelle habituelle, à la séance des questions de l’Assemblée Nationale, ce 10 décembre, entre M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, pour une fois sur la défensive et l’incontournable avocat socialiste M. Arnaud Montebourg. Celui-ci se faisait indirectement le défenseur de M. Daniel Lebègue, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations.

Nommé par la gauche socialo-communiste à la tête de ce monstre financier, son mandat expire le 17 décembre. Le Conseil des ministres doit donc le remplacer le lendemain, 18 décembre. Et Montebourg, (1) qualifie sans hésiter de "chasse aux sorcières" l’idée que ce jour-là le gouvernement issu des élections de juin puisse nommer un autre directeur général, puisque, apprend-on, M. Lebègue est candidat à sa propre succession.

Bien entendu, Libération (11 décembre) prend également la défense du malheureux énarque, ancien chargé des affaires économiques et financières auprès de Pierre Mauroy durant la brillante période 1981-1983, ancien directeur du Trésor de 1984 à 1987, puis banquier d’État. Le lecteur du grand quotidien matinal de la gauche branchée ne l’imagine pas couchant sous les ponts du Quai de Bercy, mais presque. Et, bien entendu, l’argument central en sa faveur n’est pas qu’il serait père de famille ou indispensable au pays, mais que son adversaire considéré comme le mieux placé aurait la confiance du pouvoir.

Plus curieusement on apprend aussi que M. Lebègue disposerait du soutien de Mme Idrac, nouvelle présidente de la RATP, qui est comme chacun sait un modèle d’entreprise concurrentielle et rentable et de M. Barre qui n’en finit pas de pontifier. Tous ces gens ont à leur actif des références de réussite que l’on admire. Plus surprenant encore le Figaro (11 septembre) lui donne abondamment la parole sans donner à ses lecteurs la moindre idée du bilan véritable des années Lebègue à la tête de la CDC.

Ce dernier a ainsi l’occasion de dire "je serais heureux de continuer à servir notre pays avec passion et loyauté". (2) Car voilà comment Lebègue présente son bilan, sans essuyer la moindre contradiction du Figaro : "Depuis 5 ans, la CDC a mobilisé les énergies au service de réformes profondes. Nous avons dans la paix sociale et avec le soutien unanime du Parlement, clarifié nos missions publiques et nos activités concurrentielles. En 5 ans, le groupe a doublé ses résultats et contribué à hauteur de 17 milliards d’euros au budget de l’État".

Certes, les journalistes esquissent une vague interrogation sur la place de la Caisse dans les "métiers concurrentiels". C’est cela qui inquiète évidemment les intérêts financiers privés. La réponse est révélatrice : "Ces activités génèrent plus de la moitié des résultats du groupe et alimentent donc sa capacité à investir dans des projets d’intérêt général et de place". Retenons la leçon. Nous ne sommes pas en face d’une citation littéraire prudhommesque. Nous avons l’exacte définition du socialisme new look : le profit est réhabilité, sur une apparence de marché, il est au service de la redistribution démagogique.

Car on ne nous dit pas le fond du problème que pose non pas le fonctionnement de la Caisse des 5 dernières années, mais plutôt celui des 60 années écoulées, depuis la naissance de M. Lebègue en 1943 et le triomphe des technocrates au cours de l’année 1942.

Techniquement le fond du problème s'articule en 3 questions :

M. Lebègue ne donnera pas de réponse et probablement d'ailleurs un homme qui se targue du "soutien unanime du Parlement", n’est-il même pas capable de comprendre l’absence totale de légitimité de l’organisme Caisse des Dépôts. Au fond, il en est de la Caisse des Dépôts dont on a pu dire qu’elle "le plus grand capitaliste du monde", comme il en est de France Télécom, ou plutôt comme il en a été à l’époque de M. Bon. Ses dirigeants sont naturellement tentés par le vertige de la puissance colossale et dépourvue de base légale des flux financiers qu’ils représentent.

On dit que M. Chirac entend nommer un de ses proches, et on cite le nom de M. Mayer (3) à la tête de cet organisme qu’on présente comme le "bras financier de l’État". En réalité, la Caisse des Dépôts qui se trouve en effet derrière tous les grands dossiers pourris de l’économie mixte, par exemple le financement des HLM, devrait être ramenée dans son strict périmètre légal. Et le "groupe CDC" devrait être liquidé car il n’a d’autre justification que d’être l’instrument de la féodalité financière d’État.

Abolir cette féodalité financière d’État, creuset de l'économie mixte, était déjà une promesse de la droite en 1991-1992. Cette promesse n’a jamais été tenue.

JG Malliarakis

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(1) Dont le Juste Milieu de Confucius ne semble pas le livre de chevet.

(2) Avouons que nous sommes ici en présence d’une phrase à retenir pour une circonstance de cette sorte de candidature. Elle me semble presque aussi belle que "j’ai confiance en la justice de mon pays", qui demeure toujours indispensable pour se faire bien voir d’un magistrat, en toute impartialité.

(3) Actuellement vice-président de la Banque européenne d'investissement.

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