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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 12 DECEMBRE 2002

PRUD'HOMALES, VIEILLES OUTRES ET VIN NOUVEAU

Tout ça pour ça….

Au moment où s’ouvre la réunion, qualifiée d’historique, du Conseil européen de Copenhague, traitant de l’élargissement de l’Europe, et où tombent les résultats des élections prud’homales de ce 11 décembre, il semble impossible d’associer les deux événements.

Et pourtant, ils ont un point commun : l’indifférence des peuples et singulièrement celle du peuple français.

S’agissant des élections prud’homales, en effet, deux commentaires officiels sont faux.

Le premier vient en première page des Échos (12 décembre). Il tend à dire que "les prud’homales dessinent le futur paysage syndical", ceci en présentant de manière très optimiste l’abstention massive comme si on pouvait parler d’une "participation toujours faible".

Sur 17 millions de salariés du privé en effet, incluant d’ailleurs les personnels des mutuelles et de la sécurité sociale, le pourcentage des votants qui était de 34,4 % en 1997 a baissé encore de près de 2 points à 32,7 %.

C’est un recul très sensible si l’on veut bien considérer que pendant tout le mois de novembre tous les syndicats se sont agités, déployant parfois toutes leurs énergies dans une volonté de survie. La CFTC par exemple, revient presque à son ancien étiage, atteignant 9,7 %, ou la Confédération des Cadres regagne 1 point.

Or, les résultats traduisent, non pas un paysage "futur", mais la persistance des appareils les plus archaïques, CGT communiste en tête.

La deuxième erreur propagée par les médiats consiste à se contenter de souligner, encore, que les résultats restent stables et que la CGT continue d’être la principale force syndicale française.

Certes, il est lamentable que l’appareil stalinien persiste à recueillir 32,1 % des suffrages. C'est toujours trop. Mais si on compare ce chiffre à celui de 1997, il est encore en recul de 0,9 point : la CGT a perdu 10 points depuis 1979. Or, ce sont d’abord les bastions cégétistes qui votent aux prud’hommes. D'ailleurs, cette institution a précisément pour objet, cas unique en Europe, de trancher chaque année plus de 200 000 conflits entre salariés et employeurs, dont près de 50 000 procédures de référés, et elle le fait systématiquement toujours dans une optique de lutte des classes.

Or, le nombre de voix obtenues par la CGT, si lamentablement élevé qu’il demeure, représente exactement 10,5 % des salariés, c’est-à-dire 1 700 000 voix. Tel est aujourd’hui l’impact du marxisme dans le monde salarial français (1).

Au total, cette situation permettra encore à la CGT de plastronner et de bloquer encore, ou de tenter de paralyser, la réforme indispensable des régimes de retraites. On remarquera cependant que l’addition CGT + Force Ouvrière a perdu ensemble plus de 3 points. Or, c’est cette conjonction représentée par la ligne Blondel et par l’appareil trotskiste lambertiste, qui se situe en pointe pour la défense de la sacro-sainte répartition.

Le dépit de Blondel fait évidemment plaisir à voir puisque sa centrale, largement distancée par la CFDT, 18 % contre 25 %, ne peut plus faire figure de second interlocuteur syndical français (2).

Que penser, enfin, des scores de l’UNSA, de la CFTC et de la CGC, toutes en forte hausse puisque ces 3 centrales additionnées représentent quelque 22 % des voix contre à peine 15 %, il y a 5 ans ? On ne saurait dire que les médiats y soient pour quelque chose ni que la centrale d’étiquette confessionnelle qu’est la CFTC reflète les progrès de la nouvelle évangélisation de l’Europe à laquelle le Vatican prétend appeler les chrétiens.

La vérité manifestement pour ces 3 centrales comme pour la CFDT c’est que parmi les salariés se dessine une assez forte poussée en faveur du syndicalisme réformiste lequel obtient globalement 47 % des voix.

Qui parviendra à unifier ces efforts ? Qui parviendra à distancer définitivement la vieille CGT et à ramener Force Ouvrière à sa vérité actuelle (3)?

On ne peut espérer une telle unification qu’à partir des générations nouvelles.

M. François Chérèque, pour être le fils d’un estimable dirigeant syndical, devra encore donner sa mesure personnelle pour assumer vraiment la succession de Nicole Notat. Quant à l’UNSA, forgée autour de la vieille Fédération déclinante de l’Éducation Nationale – laquelle n’obtient plus que 68 000 voix dans le corps enseignant – son apparition à hauteur de 5 % dans le secteur privé lui permettra peut-être de renouveler un peu ce syndicalisme français si émietté, si usé et si rapiécé.

Quand d’importants événements rencontrent l’indifférence, quand d’importantes réformes frappent à la porte de la France et de l’Europe, il est en effet inquiétant que seules les vieilles outres soient prêtes à accueillir du vin nouveau.

JG Malliarakis

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(1) On devrait, en toute honnêteté, ajouter aussi au nombre des marxistes toutefois la petite marge des gens votant pour les syndicats gauchisants du Groupe des Dix qui font tous ensemble 1,5 % des voix, soit 0,5 % des salariés.

(2) Ajoutons d’ailleurs que, dans ces 18 % de voix, un très fort contingent de salariés de la sécurité sociale, de l’économie mixte et des personnels à statut fausse encore la représentativité. Le nombre des inscrits est ainsi passé de 14,6 millions à 17 millions.

(3) Qui est de demeurer un leurre antistalinien en façade, presque définitivement noyauté par les trotskistes lambertistes à l’intérieur.

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