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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 17 DECEMBRE 2002

LE GIGANTISME DE NOS TECHNOCRATES N’EST PAS ENCORE GUERI

Il est donc urgent de guérir la France des technocrates

On avait pu croire, une seconde, courant novembre, à un changement soudain dans les mauvaises habitudes de l’étatisme français. La part étatique dans le capital du Crédit Lyonnais soit 10,9 % était ainsi vendue, aux enchères, sans copinage, acquise de haute lutte et à un cours élevé par BNP Paribas à 58 euros par titre.

Trois semaines plus tard, on apprenait qu’un accord intervenait promettant au Crédit Agricole, soutenu par 4 membres du groupe d’actionnaires de prendre le contrôle du Lyonnais à un cours légèrement inférieur de 56 euros par titre.

Ainsi, l’intervention de BNP Paribas était un leurre, destiné à tromper Bruxelles et à permettre une seconde opération en destination de la Société Générale, aboutissant à la constitution voulue par l'État (et c'est là le point important) de deux énormes groupes bancaires français, qui seront les deux principaux groupes bancaires de la zone euro, et qui domineront de manière assez écrasante le marché français:

C’est ainsi d’ailleurs que les marchés financiers l’ont interprété dans la journée du 16 décembre. Nous en sommes là, en attendant que cela change.

Ce qui ne change pas, hélas, c’est l’aspiration au gigantisme des technocrates français. Visiblement les leçons de Vivendi et de France Télécom n’ont pas guéri ces incurables adeptes de la concentration à tout prix.

Car on a sans doute beaucoup communiqué autour de l’aspect cosmétique de cette opération, en ayant recours à quelques bons vieux clichés du type banque verte, absence de licenciements secs, synergies et quelques mots qui ne signifient rien. Il n'y aura, dit-on, aucun départ volontaire. Les baisses d'effectifs sont annoncées pour très légères à hauteur de 4 600 départs en retraite qui ne seront pas compensés par des embauches. Mais cela ne veut rien dire d'autre que la volonté de créer un conglomérat dont la seule prouesse technique sera de mettre en place un énorme réseau de bancassurance : un concept dont personne ne peut dire qu'il sera vraiment prisé par la clientèle. On n’a pas beaucoup expliqué, en revanche, aux épargnants comment marche vraiment le Crédit Agricole, ni à quoi cela servira concrètement aux Français d’être les concitoyens des dirigeants et administrateurs des deux plus grosses banques de la zone euro.

Certes, on peut reconnaître au Crédit Agricole, s’il demeure implanté dans toute la France rurale, qu’il n’est plus la banque verte que de nom. Après avoir piétiné pendant 10 ans, à la fin du XIXe siècle (1), après avoir beaucoup servi de distributeur des fameux prêts bonifiés durant les soi-disant 30 Glorieuses, le Crédit agricole est devenu en apparence un réseau de guichets comme les autres, un peu plus dispersé que les autres installés dans tous les chefs de lieux de cantons.

Seulement sa construction pyramidale obscurcit totalement sa comptabilité et le conglomérat qui va naître ne sera probablement pas plus clair.

Ce sera une sorte de Swissair de la finance : souhaitons-lui un peu plus de rigueur, de rationalité et de succès dans ce qu’il appelle ses synergies.

Souhaitons-lui de ne pas traîner comme Vivendi tel ou tel boulet culturel, exceptionnel, à forte émotivité politicienne, comme le politiquement correct Canal + etc.

Souhaitons-lui enfin de ne pas être poussé par une boulimie de croissance externe encouragée par les grandes visions géographiques de dirigeants projetant leur mégalomanie sur le Maghreb, l’Asie mineure ou l’Afrique des grands lacs. Ceci pour ne pas se retrouver dans la situation où M. Bon a laissé France Télécom.

Car la leçon que l’on peut retirer des dernières "opérations délires" (2) commises par les continuateurs du Panama, c’est l’inanité absolue des contrôles d’État bidules, commissions politico-bancaires machins, banque centrale, quai de Bercy et autres prétentieuses émanations de la Direction du Trésor et de l’Inspection des Finances.

Évoquons ici un simple petit chiffre dans le bilan de France Télécom, pourtant contrôlé en théorie par l’État et par toutes ces féodalités technocratiques.

On nous dit aujourd’hui que sur 70 milliards d’euros, une jolie somme, de dettes de France Télécom, 16 milliards (3) correspondent à une échéance 2003. Par définition, cela devrait être connu depuis longtemps. Personne ne s’en était aperçu et on a attendu fin 2002 pour essayer de renégocier, de lisser cette situation d’échéance redoutable. Cet exemple, doit-on le souligner, est loin d’être unique.

Avec leur grisaille de fourmis, nos technocrates ont une imprévoyance de cigale. Et les mêmes font semblant de s’intéresser aux retraites des Français, aux ceintures de sécurité des automobilistes et à l’éducation des enfants.

La plaisanterie a assez duré. Leur gigantisme doit être enrayé. Leurs termitières doivent être désinfectées.

Puisque le gigantisme des technocrates français n’est pas guéri, la première urgence du peuple français est de se guérir des technocrates.

JG Malliarakis

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(1) Car les paysans français n’avaient alors guère besoin d’emprunter diposaient, en moyenne, en trésorerie, de la valeur de 3 récoltes, et ils représentaient ainsi la grosse partie de l'épargne nationale.

(2) Je veux dire les dernières en date.

(3) Un bon 1/4 de la dette.

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