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JEUDI 19 DECEMBRE 2002

LE LIVRE VERT EUROPEEN SUR LES RETRAITES

C’est sans doute un petit coup de semonce donné à la classe politique

Mais la réforme ne saurait partir que d’un vrai réveil de l’opinion française

La publication du Livre Vert européen sur les retraites à quelques jours de la fête de Noël (1) a quelque chose d’une petite illumination joyeuse dans le ciel gris de la stagnation idéologique française.

Tout d’abord, on doit bien comprendre que la plupart de nos compatriotes sont persuadés qu’ils ont le meilleur système de soins, la plus confortable des protections sociales, la plus performante des écoles publiques, la plus épatante des législations sociales, etc. Le monde entier les envie. Seuls ceux qui payent des impôts – mais ils sont une minorité – savent qu’il n’en est pas ainsi.

Faut-il imputer le manque de voyages à l’Étranger ? Non, car dès avant l’effondrement du communisme, la CGT et les comités d’entreprises les faisaient déjà voyager, voir le Musée de l’Ermitage à "Leningrad", le tombeau de Lénine à Moscou, visiter le mausolée de Dimitrov à Sofia ou une ferme modèle en Hongrie. Et aujourd’hui, ils vont à Cuba, au Vietnam, dans nos chères Antilles et ils constatent que "ces pays" cherchent à s’approcher du modèle, et le dépassent parfois, mais rarement. C’est par exemple notre architecture, c’est l’indépassable Le Corbusier, qui a servi d’inspiration aux merveilles staliniennes de l’Asie Centrale, et non l’inverse comme on le croit trop souvent.

L’Europe, au contraire, c’est embêtant. Voilà des peuples qui ont parfois rédigé avant la France des déclarations démocratiques et même coupé la tête de leurs rois (Remember 1648). Même la révolution hollandaise et la dictature de De Witte ont été horribles malgré les tracts rédigés en sa faveur par Spinoza. Tous ces gens se sont assagis. Les fils d’Espagnols rouges ne violent plus les Carmélites et ne mitraillent plus les tableaux religieux de Velazquez. Mais ils ne sont pas disposés à laisser aux continuateurs de Robespierre le monopole du mot liberté.

Les voici donc faisant de la comparaison, à leur tour. C’est un peu insupportable. Heureusement il y a un mot franglais : le "benchmarking" pour noyer le poisson, pour que personne ne comprenne.

Et ces Maudits Zinglais, inspirant les services de la Commission de Bruxelles en sont donc arrivés, après des années d’un travail annoncé, notamment, en 1997-1998 (2) à publier le sale petit Livre Vert qui ose prétendre que le système des retraites à la française met la France en danger.

La première caractéristique de ce système, par rapport à tous les systèmes répartitionnistes fonctionnant hélas dans le monde, c’est que plus que tout autre il s’inscrit dans un modèle malthusien de l’offre de travail. Le résultat en est que le Français est l’homme au monde qui arrête concrètement de travailler le plus tôt, à 58 ans. Et comme le système hospitalier ne tue pas encore plus qu’ailleurs (3) le retraité français se retrouve être celui qui survit le plus longtemps, environ 21 ans après sa cessation d’activités, et par conséquent coûte le plus cher au système.

D’autant plus que ce retraité est fortement incité à ne travailler qu’au noir. Sinon on le pourchassera au nom de l’interdiction du "cumul emploi retraite".

Tout cela ce sont des données globales. Dans certaines corporations on arrive à ne plus travailler vers 52 ans et donc c’est pendant 27 ans que l’on est à la charge de la nation. C’est sur cette base que le gouvernement français espère pouvoir grignoter petit à petit pour redresser les comptes des systèmes qui vont se trouver en péril de façon accélérée jusqu’à 2010. Les fissures sont déjà commencées.

Comme tous les travaux de la Commission Européenne cependant, le Livre Vert sur les retraites du 17 décembre reste dans une certaine ambiguïté.

Il souligne par exemple les disparités entre le public et le privé, la multitude des régimes spéciaux et toute sorte de particularismes dont très précisément une certaine droite font leurs choux gras pour mieux esquiver la question essentielle qui est l’évolution vers plus de liberté, plus de responsabilité des individus, plus de logiques patrimoniales. Qu’il s’agisse de la technocratie bruxelloise ou des statisticiens de l’OCDE, cet aspect juridique et son soubassement éthico-social non seulement n’est guère abordé mais il irrite le "globalisme" des raisonnements.

Certes le Livre Vert souligne l’absence de garanties données aux cotisants. L’avenir des retraites n’est pas assuré en France. On le sait depuis 20 ans. Rien n’a été fait.

On doit cependant redouter que nos technocrates français se servent de l’ambiguïté du Livre Vert et n’aborde pas la question de fond qui est la libération de l’épargne des Français. Et c’est donc à cette libération que doit appeler le réveil de l’opinion populaire française.

JG Malliarakis

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(1) Ce 17 décembre 2002.

(2) Quand M. Monti en appelait à une "grève générale intergénérationnelle"

(3) Les négligences du système hospitalier français produisent à peine 11 000 morts victimes des maladies dites nosocomiales contre 8 000 morts sur les routes, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, est à la fois tragique, et, du point de vue démographique, insignifiant.

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