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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 30 DÉCEMBRE 2002

DANS LE PETIT NOËL DES HOMMES DE L’ETAT

Alain Juppé, âgé de 57 ans est admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite

En cette fin d’année, dans cette sorte de latence séparant Noël du Jour de l’An, quelque chose paraît pire encore que la désacralisation de Noël, plus choquante que la commercialisation du Père Noël, c’est sa récupération éhontée par les hommes de l’État. Ils parlent, ils gesticulent, et ils font communiquer leurs sophistes de service sur le thème des bienfaits protecteurs de l’État réparant les méfaits des individus, mauvais par essence, et même de la nature méchante depuis le commencement.

Passons sur les bienfaits que les hommes de l’État s’accordent à eux-mêmes. Glissons sur cet arrêté du 13 novembre 2002 disposant que l’inspecteur des finances, Alain Juppé, âgé de 57 ans seulement, sera admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2003.

Ce qui frappe, dans cette annonce, authentique dans ses effets juridiques et financiers au profit de l’intéressé, qui ne subira donc pas les conséquences du papy boom, c’est que pour parler la langue des enfants, ce n’est "même pas vrai". L’inspecteur des Finances cessera d’inspecter mais depuis qu’il porte ce titre combien d’années en a-t-il exercé la fonction ? De ce point de vue, certes, voilà qui ne changera pas grand-chose. Contrairement à un fonctionnaire de police, cet inspecteur des Finances recevra donc des droits inversement proportionnels à son absence de prime du risque. Mais ces droits ne l’empêcheront pas de cumuler son emploi de président de l’UMP avec sa retraite de haut fonctionnaire sans fonction.

Glissons donc sur les petits bienfaits de M. Juppé.

Évoquons aussi, trois ans après la tempête de décembre 1999, l’intéressant bilan de la protection et de la solidarité nationale dès lors que celle-ci a frappé de petits propriétaires privés français. Non seulement ceux-là pourront encore attendre longtemps pour qu’on les aide à faire face à un risque inassurable, plusieurs fois centenaire, mais on a entendu les gens de l’ONF communiquer officiellement sur le thème : la non-intervention dans la forêt privée est un bienfait pour la bio-diversité. Il est intéressant qu’il n’en soit pas ainsi pour la forêt publique.

Oublions aussi la malfaisance des hommes de l’État face à la pollution maritime. Tout est fait pour communiquer sur les bateaux-poubelles : cela permet d’occulter les responsabilités de l’État dans l’absence de ports-refuges, dans la négation des lois de la mer (1) et surtout dans la désorganisation des secours et du nettoyage. De ce point de vue la seule consolation des victimes bretonnes de l’Erika en 1999 aura été en 2002 de pouvoir comparer leur détresse à celle des victimes galiciennes du Prestige et de constater que l’État central terrien espagnol est presque aussi mauvais que l’État central terrien français.

Oublions cette nuisance mais observons autrement cette mise en accusation des bateaux et des voitures, des marins et des automobilistes qui, sans leur fichue circulation, ne provoqueraient pas d’accident.

Interrogeons-nous plutôt sur les merveilles de la protection par Big Brother.

Et nous en avons un exemple éclatant avec la crise actuelle de l’assurance du risque médical.

Souvenons-nous d’abord des origines de la crise.

À partir de l’arrêt Perruche, la France s’est trouvée judiciairement submergée par un flot jurisprudentiel qu’on sentait venir depuis fort longtemps. Puisqu’on ne peut s’en prendre à la méchanceté supposée du Bon Dieu, chassé de notre législation laïque, il faut bien trouver un responsable pour tous nos petits et grands malheurs. Le responsable a troqué la soutane noire du prêtre pour la blouse blanche du médecin. On ne bouffe plus du curé : on attaque le praticien en justice.

Évidemment, ce que l’on pouvait prévoir, ce que nous avons maintes fois dénoncé, s’est réalisé : les primes d’assurances demandées aux chirurgiens, aux cliniques privées, aux laboratoires pratiquant l’échographie, etc. se sont multipliées par 10.

La crise a été suffisamment médiatisée pour que chacun puisse réfléchir sur ce que le Bon Ministre du Bon Gouvernement, le Bon Docteur Mattei a pu faire pour réparer le désastre de la jurisprudence irresponsable des juges fonctionnaires. Et chacun a pu voir avec quel talent ce brave homme a cautérisé la jambe de bois.

Personne ne peut dire à l’instant ce que sera la sortie de cette crise. Nous pouvons simplement commencer l’année 2003 en constatant amèrement que les hommes de l’État sont de meilleurs Pères Noëls pour eux-mêmes que pour le peuple français.

 

JG Malliarakis

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(1) En éloignant un bateau des côtes on augmente à la fois la probabilité du sinistre et l’étendue de ses conséquences.

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