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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 2 JANVIER 2003

APRES LES VŒUX SANS AVEUX DES PRINCES QUI NOUS GOUVERNENT

Le registre de l'insignifiance ne messied jamais au président actuel de la république

Il est doublement dérisoire de passer au crible un message de vœux rituel comme celui du chef de l’État du 31 décembre. Première dérision, l’objet même du propos, jetable et éphémère par définition. À peine surprendra-t-on telle petite phrase annonciatrice de décisions politiques. Ou bien on s’étonnera des ellipses relatives à un sujet aussi dramatique que la situation de l’Afrique ou celle du Proche Orient. Mais la deuxième dérision est plus certaine en ce sens qu’au soir de la saint-sylvestre les Français pensent d’abord, et très normalement, à la fête du Nouvel An. Leur parler sérieusement de sujets sérieux équivaudrait à un manque d’à propos, un défaut de bon sens et même peut-être à une faute de goût.

Sauf à leur dire, et à les convaincre, que l’heure est grave, tout message de vœux a vocation à se cantonner dans l’insignifiant.

Et ce registre ne messied jamais au président actuel de la république.

On ne critiquera donc pas le catalogue des sujets effleurés. On s’en tiendra seulement à celui pour lequel une réforme nous est annoncée pour l’année 2003 : la situation des retraites.

On retiendra incidemment que cette réforme a été jugée urgente par la Commission Européenne, au sein de laquelle l’influence française demeure très forte et qui par conséquent ne fait preuve d’aucun parti pris anti-français, bien au contraire, quand elle regrette que notre pays soit effectivement largement à la traîne quant à la réforme de son assurance vieillesse.

Or, ce qui est grave, c’est justement l’imprécision et l’ambiguïté d’une telle analyse.

Constater et déplorer, par exemple, que les retraites promises aux Français ne bénéficient d’aucunes garanties, cela peut entraîner des réformes et des prises de décision tout à fait différentes. Parmi la gamme des remèdes envisageables, on avait commencé dès 1992 à suggérer que les recettes de privatisations soient affectées à un Fond de garantie.

Simplement, depuis 10 ans et depuis l’effondrement du gouvernement Bérégovoy, 4 premiers ministres se sont succédé à Matignon et 7 ministres des Finances se sont télescopés Quai de Bercy sans que les colossales recettes de privatisations intervenues aient servi à cette garantie, car elles furent gaspillées en comblement de nos déficits.

Entre temps, l’instauration de l’euro s’est réalisée sans que l’État français n’ait incorporé à ses dettes la comptabilisation d’un quelconque engagement en faveur des régimes de retraites.

Une telle opération n’est plus possible aujourd’hui dans le cadre de l’union monétaire (1).

Parler désormais de réforme des retraites ne s’inscrit donc plus que dans un champ de possibilités très limitées.

Certes on peut demeurer dans la répartition et envisager quelques mesures, certainement impopulaires, tendant classiquement à la baisse des prestations et à la hausse des cotisations. Plus précisément, on pense à l’allongement de la durée de cotisations mais aussi à la suppression des préretraites, à l’alignement des durées du service public de 37 ans et 1/2 aux 40 années des régimes privés, etc. Tout cela est couramment évoqué, de manière trop répétitive pour qu’il ne s’agisse pas d’une volonté d’habituer l’opinion à un tel clavier de solutions.

Désirer mettre en œuvre le petit catalogue de réformettes, avoir le courage d’inverser la tendance à réduire l’offre de travail ce serait déjà beau. On peut même douter que la droite actuelle ait vraiment ce courage au moment où l’on apprend que ce président de l’UMP, M. Juppé, s’est appliqué à lui-même un droit à la retraite à 57 ans, ce qui donne l’exemple du laxisme et peut difficilement annoncer un mot d’ordre de rigueur.

Mais même si cela était, on ne peut pas se contenter de vœux en faveur d’une réforme qui refuserait l’aveu d’un échec des régimes de répartition.

Dans un entretien donné au quotidien Sud-Ouest (2), M. Pascal Brückner, dérisoirement attributaire du prix du livre d’Économie décerné par le Sénat, proposait très sérieusement comme susceptible d’assumer l’identité de l’Europe face aux États-Unis l’idée que notre capitalisme soit moins patrimonial. Si ridicule soit-elle, cette idée recoupe l’affirmation de Jacques Chirac en septembre 1995, selon laquelle la sécurité sociale serait l’identité de la France.

Ne pas se préparer à réformer vraiment les systèmes qui ont fait faillite est inquiétant.

Ne pas avouer ces faillites est grave. Les considérer comme constitutifs de nos identités française et européenne, voilà qui est consternant.

JG Malliarakis

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(1) Elle ferait sortir l’endettement public français des critères fixés à Maastricht et le monteriat à près de 150 % du PIB. Rappelons que l’Italie et la Belgique, qui incorporent leur dette sociale, sont à un niveau d’endettement critique légèrement supérieur à 100 % de leur PIB annuel respectif.

(2) En date du 11 septembre 2002

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