Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent

COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 15 JANVIER 2003

NON, M. LUC FERRY, LA SCIENCE N'EST PAS…

… "à la racine de la culture générale dont les élèves ont besoin"

Olivier Pichon vient de publier un excellent petit livre sur l’Éducation Nationale où il pose la question de savoir si oui ou non, après l’échec de Claude Allègre, M. Luc Ferry peut la réformer.

Or, depuis la parution de ce livre, si M. Xavier Darcos semble bien persister dans certaines bonnes intentions techniques, divers signaux confirment hélas que ni le sommet du pouvoir exécutif ni le ministre de l’Éducation nationale ne disposent des outils intellectuels susceptibles de leur faire franchir les étapes de la réforme.

Une preuve éclatante vient d’en être administrée par le discours prononcé par M. Luc Ferry ce 14 janvier devant l’Académie des Sciences à Paris.

Précisons d’abord que M. Ferry est philosophe de métier et que depuis des années il dirigeait les programmes au ministère de l’Éducation.

À ces deux titres, il est particulièrement mal placé pour exprimer des regrets s’agissant de la place des matières scientifiques dans l’enseignement secondaire français et surtout pour estimer cette place insuffisante.

Il déplore par exemple que 32 % des titulaires de bacs scientifiques se tournent vers des carrières non scientifiques.

On pourrait commencer par cette question.

Qu’est-ce, M. Ferry, qu’une carrière scientifique ?

S’il s’agit de désigner par-là une carrière vouée à la recherche fondamentale ou appliquée, un poste au CNRS ou dans un laboratoire ce n’est pas 32 % des bacheliers même scientifiques, c’est probablement 99 % d’entre eux qui échappent à ce destin. La définition épistémologique est défectueuse.

Elle éclaire tout le vice du raisonnement, qui n’est pas propre à Luc Ferry, car il entache toute la construction de nos programmes non pas depuis 1996 mais probablement depuis 1958, depuis la prise du pouvoir par une coterie de technocrates.

Si le philosophe Ferry croit pouvoir dire devant l’une des 5 Académies constitutives de l’Institut de France que "la science est à la racine de la culture générale dont les élèves ont besoin" nous nous permettrons de renverser sa proposition. Plus de 99 % de l’enseignement scientifique reçu par les élèves ne leur sert et ne leur servira jamais à rien. Au contraire, la culture dite générale, mal enseignée, la culture littéraire et historique, la langue nationale et les diverses langues étrangères leur seront infiniment plus utiles.

Et si l’on veut ramener l’utilité au domaine strictement matériel, je puis affirmer au philosophe Ferry, ayant fait des études de mathématiques avant d'aborder l'économie, que non seulement elles ne me servent guère pour décoller des papiers peints mais qu’elles ne devraient pas interférer dans la matière économique.

Non, M. Ferry, la science n’est pas à la base de la culture.

C’est plutôt la culture, au sens noble du terme, qui devrait être à la base des connaissances scientifiques et de leur utilisation technique.

Il y aurait beaucoup à dire sur les conséquences en matière de programmes scolaires mais aussi de sélection universitaire, aussi bien en médecine qu’en architecture, privilégiant inutilement certaines connaissances, faisant au total des voies dites scientifiques les filières réputées d’excellence.

Mais, fondamentalement, c’est la philosophie matérialiste et mondialiste sous jacente à l’affirmation de M. Ferry qu’il faut souligner avant tout.

Tant que cette philosophie empoisonnera le cerveau de nos dirigeants ils ne pourront guère prendre, je le crains, de décisions pertinentes pour l’avenir de notre pays.

JG Malliarakis

Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent

Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis • en souscrivant un abonnement