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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 20 JANVIER 2003

QUAND M. FILLON VA EN SUÈDE

...à la recherche du secret des retraites

Au moment où nous sommes quotidiennement sollicités par les perspectives de grands conflits ou par la hausse des cours du pétrole, il peut paraître insignifiant que d’apprendre que M. Fillon s’est rendu à Stockholm. Ce ministre, pensent la plupart de nos lecteurs, et de nos lectrices, n’est pas seulement un bellâtre : il est aussi un bélître.

Cependant, sa démarche a quelque chose d’émouvant. En ce mois de janvier, il parcourt l’Allemagne puis la froide Scandinavie à la recherche du secret des retraites. Cette analyse comparative de terrain, dont tous les éléments sont disponibles sur Internet, aura au moins le mérite de lui faire rencontrer autre chose que des journalistes jacobins. Les voyages forment la jeunesse plus encore qu’ils ne déforment les pantalons.

Les deux destinations choisies, Berlin et Stockholm, ne l’ont pas été au hasard. On veut bien comparer, à condition que la méthode comparative ne nous entraîne pas trop loin des perspectives prédéterminées. Pas question, par exemple, de s’intéresser à ce qui se passe réellement aux États-Unis ou en Chine, au Japon ou au Chili. Dès que l’on sort du continent européen, peut-être même de l’Europe continentale, les lois de la pesanteur deviennent différentes, et l’arithmétique comptable n’est pas la même. C’en est à se demander comment nous pouvons travailler sur des ordinateurs nord-américains et photocopier, sans risque de falsification, sur des appareils nippons.

L’évolution des retraites en Allemagne est certes intéressante puisque c’est sur le modèle conçu par Bismarck dans les années 1880 que nous avons copié le nôtre dans les années 1940. M. Fillon a probablement repéré malgré des parentés, également dommageables des deux côtés du Rhin, que le système allemand n’aligne pas de la même manière les régimes de base et les régimes complémentaires. Mais sauf erreur, il n’a pas encore beaucoup communiqué sur cette découverte. Idem sur les possibilités de choisir, sur les durées de cotisations, etc.

De Suède, en revanche, il est revenu avec une idée dont il est regrettable que les commentateurs agréés n’aient pas suffisamment reçu l’ordre de dresser des louanges. Le ministre aurait en effet découvert, à des centaines de kilomètres de son bureau parisien, que les futurs retraités auraient un droit, dans ce pays si lointain, à l’information.

Certes, on ne prononce pas les mots qui fâchent : on ne parle pas, pas encore, d’un droit à la vérité. "Quid est veritas ?" demandait déjà Ponce Pilate.

À l’instar des Suédois, il paraît donc que les cotisants français vont, peut-être, pouvoir enfin connaître la situation de leurs régimes de retraites. Compte tenu de la masse impressionnante des publications existant à ce jour, cela implique donc un effort de communication d’État et il n’est pas certain que cela nous rapproche de la vérité.

Ce n’est pas le lieu de souligner ici qu’en Suède les caisses de retraite agissent en réalité comme des institutions de capitalisation, ce qu’on désigne sous le nom détesté par l’idéologie française, de fonds de pension (1). Ce sont ces caisses, par exemple, qui horrifiées par l’intervention dirigiste d’un ministre français en 1993 firent échouer le projet de fusion Renault-Volvo.

Ce fut également la Suède, 4000 ans après l’Égypte, 2000 ans après la Chine, qui importa en Europe l’idée de statistiques au XVIIIe siècle, une notion dont les véritables inventeurs furent probablement Mésopotamiens. La statistique sert à tout, d’abord à l’État. Elle peut se révéler une des formes supérieures du mensonge.

Car l’information que M. Fillon propose de développer en France, ce serait une information prospective.

Les mêmes gens qui détruisent les immeubles qu'ils avaient construits il y a 20 ou 30 ans, se proposent de vous informer sur vos droits financiers dans 40 ans.

Une information prospective ce n’est pas une retraite en Suède. C’est un château en Espagne.

C’est un bobard.

JG Malliarakis

(1) et dont j'ose prendre la défense, sans honte, dans mes deux petits livres disponibles sur les Retraites

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