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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 27 JANVIER 2003

CAS D'ÉCOLE D'UNE PROFESSION

ÉTRANGLÉE

... par une réglementation parisienne que M. Bussereau ne promet même pas d'abroger

 

À l’occasion du 44 congrès du Syndicat National des Agents de Voyages, le 22 janvier à Amman en Jordanie, le président de cette bonne vieille organisation corporative fort paisible, M. César Balderacchi a réaffirmé les inquiétudes et les attentes des professionnels. Tout protocole mis à part ce n’est pas à la charmante reine Rania que son discours s’adressait mais aux pouvoirs publics français. Ceux-ci étaient représentés par le secrétaire d’État chargé des Transports, M. Dominique Bussereau, ainsi que par son homologue chargé du Tourisme, M. Bertrand.

La principale revendication du SNAV porte sur la réforme de la Loi française de 1992 qui encadre trop étroitement l’activité des voyagistes français (1). L’interlocuteur Bussereau n’est pas indifférent. Ancien responsable des Jeunes Giscardiens, ce sympathique politicien poitevin avait suggéré de transformer son mouvement en "génération du socialisme libéral". Par goût de la litote, les autorités du giscardisme, rectifièrent le titre en "génération sociale et libérale", mais ce trait marque bien le consensualisme du jeune ministre arrivé dans le sillage du gouvernement Raffarin. Et le peu que l’on puisse connaître de sa carrière en entreprise en ferait plutôt un ami de la SNCF. Et l’on sait la part du mythe ferroviaire dans l’idéologie du "modèle" français. Pas question de faire évoluer cette grande féodalité polytechnicienne vers le privé concurrentiel.

Dans le registre, qui se veut toujours convivial et rassurant "pas question de…", quoique sur un mode fort courtois, le ministre Bussereau a donc doucement renvoyé à leurs rêves de réformes le président Balderacchi comme ses adhérents.

Les pouvoirs publics français considèrent avant tout l’intérêt des 3 grandes compagnies de transport étatique : Air France, SNCF et SNCM. Celles-ci, nous dit-on, réalisent encore 70 % de leur chiffre d’affaires par le biais des agences de voyages. Ces dernières sont donc, dans l’esprit des services technocratiques, des relais de ces compagnies. Autre préoccupation : protéger l’industrie touristique française, première industrie nationale réalisant 7 % du PIB. D’hasardeux voyagistes qui proposeraient aux Français de sortir plus résolument de leurs frontières ne sauraient être que suspects.

Alors "pas question de" revoir à la baisse les contraintes réglementaires franco-françaises corsetant l’activité des voyagistes français.

Pas question, par exemple, de liquider le pouvoir des préfets qui fixent, dans chaque département,  le montant des garanties financières liées au droit d’exercer la profession etc.

Au total, on se retrouve dans un étau bien connu de toutes les professions françaises.

D’une part les directives européennes fixent un cadre toujours très critiqué bien entendu par une certaine démagogie toujours prête à exploiter l’ignorance du public. Ce cadre est comme d’habitude plus souple que la réglementation franco-française : ici la loi de 1992 remontant au glorieux gouvernement Bérégovoy. De la sorte, les professionnels français se retrouvent dans une situation concurrentielle défavorable face à leurs compétiteurs européens moins encadrés, moins taxés, moins pénalisés de charges sociales.

D’autre part, le brouillard des textes permet le développement de ce qu’on appelle le paracommercialisme. Ainsi en est-il pour l’industrie du voyage de toutes les activités commerciales de fait, mais non taxées, réalisées par des offices du tourisme, des associations plus ou moins fantômes, des comités d’entreprise, etc.

L’attitude des pouvoirs publics français consiste trop habituellement à s’enfermer dans une rhétorique dangereuse sur "la réforme" et sur "l’harmonisation". Ces deux mots, ambigus, sont presque toujours compris par ceux qui "entendent les promesses" dans un sens immédiatement démenti par ceux qui ne se sentent guère engagés par les promesses au moujik (une parole à un moujik n’engage à rien…).

Ainsi en est-il de l’harmonisation européenne pour la plupart de ceux qui entendent naïvement cette promesse, il s’agirait au départ d’égaliser les conditions fiscales, sociales et administratives afin de rendre le marché unique, promesse du traité de Rome de 1957 et de l’Acte Unique de 1985, possible et supportable notamment pour les victimes françaises de la bureaucratie parisienne. Pas du tout : l’État jacobin "veut bien" harmoniser mais à condition que cela se fasse dans le sens de l’application hier à 6, aujourd’hui à 15, demain à 25 de ses propres textes puisque ce sont les meilleurs du monde.

Alors, les conséquences inéluctables de ces incohérences se développeront jusqu’au jour où les Français eux-mêmes en prendront suffisamment conscience pour se libérer de l’État jacobin et prendre pied résolument dans l’Europe des Libertés.

JG Malliarakis

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(1) cf. article "Changer la loi de 1992 : Le combat de César" in Le Quotidien du Tourisme 23.1.2003

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