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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 30 JANVIER 2003

L'ÉTRANGE SYSTÈME DE DÉFENSE DE M. TRICHET

ll devrait le disqualifier définitivement

L’audience de ce lundi 27 janvier où M. Jean-Claude Trichet comparaissait devant le Tribunal correctionnel de Paris, dans le cadre du procès du Crédit Lyonnais, aurait mérité des échos peut-être moins conventionnels et certainement plus abondants.

Depuis 1998, hélas, il est de bon ton à Paris de considérer M. Trichet comme une sorte de champion de la finance française, candidat jusqu’ici malheureux à la présidence de la Banque Centrale européenne. Il fait figure en somme de régional de l’étage et l’actuel chef de l’État semble se complaire dans le rôle de principal supporteur de ce Poulidor des institutions monétaires.

Le procès du Lyonnais se déroule dans une sorte d’indifférence depuis le 6 janvier et on a attendu le 27 janvier pour entendre M. Trichet. À l’époque des faits il dirigeait la féodalité redoutable qui s’appelle Direction du Trésor. À ce titre, via la commission bancaire, il exerçait le contrôle d’État sur les comptes financiers d’un établissement phare, à l’époque, de notre secteur public.

C’est très logiquement qu’il est donc poursuivi depuis plusieurs années pour un délit, ou plus exactement pour sa complicité dans une affaire de diffusion de fausses informations au marché et de publication de comptes sociaux inexacts. S’il comparaît devant un tribunal correctionnel, ce n’est nullement par hasard, ni à titre de lampiste. Il doit certainement bénéficier d’une présomption d’innocence. Cela fait partie des Droits fondamentaux de l’Homme et il est un homme. Nous ne cherchons pas spécialement à l’accabler si peu sympathique nous soit-il habituellement. Nous cherchons à y voir clair.

Il est clair, mais hélas cela ne sera guère souligné, que dans la confrérie des Inspecteurs des Finances des liens de subordination mentale et de fascination pour l’ancien directeur du Trésor qu’était Haberer, propulsé président du Lyonnais, paralysaient un Trichet, féal déférent.

Cela est clair, mais ce qui n’est pas clair dans les explications non dépourvues d’agressivité que Trichet consent à donner au tribunal, c’est le lien logique sur lequel il construit son système des doutes.

Il avait bien des doutes, dit-il, quant à la stratégie industrielle extrêmement hasardeuse de la Banque. Cette stratégie, explique-t-il, avait tout le soutien de Bérégovoy. C’est évidemment là un instrument logique plein de finesse. Ministre des Finances jusqu’en 1992, puis Premier ministre de François Mitterrand jusqu’au désastre, historique pour la gauche, des élections législatives de 1993, le malheureux Pierre Bérégovoy s’est suicidé. Que sa mort fut assez étrange n’empêche pas la règle de s’appliquer implacablement : les morts ne parlent pas. Il ne témoignera plus jamais. Il ne peut pas répondre aux courageuses accusations que lance contre lui M. Trichet, 10 ans après sa disparition.

M. Sapin, au contraire, est encore en vie. Il pourra renvoyer les ascenseurs et lorsqu’il arriva quai de Bercy, il commença, apprend-on, à partager les doutes du génial gouverneur de la Banque de France.

La ficelle est d’une taille que l’on qualifierait d’atypique si on n’avait présent à l’esprit le schéma rustique des affaires de malfrats. Non l’honneur du milieu n’est pas un concept en recul dans notre pays : qu’on se le dise.

Car si les doutes de M. Trichet portaient sur la pertinence de la stratégie industrielle, jamais, au grand jamais, il ne pouvait alors soupçonner que la régularité des comptes de la banque, hier publique, aujourd’hui privatisée, après une perte de substance et de périmètre, fût en cause.

Trichet se défend d’avoir été malhonnête : c’est bien naturel. Mais il reconnaît sans peut-être s’en rendre compte, qu’il fut un imbécile. Humainement, c’est compréhensible. Judiciairement, c’est probablement un moindre mal.

Techniquement, cependant, et il est un technocrate, c’est admettre une fois pour toutes qu’il était incompétent.

Cela devrait l’écarter définitivement de toute prétention à la présidence d’une banque centrale et même de celle de la succursale qui s’appelle encore la Banque de France.

JG Malliarakis

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