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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 3 FÉVRIER 2003

LE GOUVERNEMENT JOUE SON CRÉDIT DE CONFIANCE

Là où il n’existe aucun désir d’avancer, aucune route ne mène plus à Rome.

Une chose est bien claire, au lendemain des manifestations syndicalistes du 1er février, marquées par une mobilisation plutôt réussie, CGT en tête, c’est le rétrécissement considérable de la marge de manœuvre du gouvernement Raffarin.

Pendant 6 ou 7 mois en effet, le nouveau pouvoir, et pas seulement le chef de l’État, a bénéficié d’une sorte de crédit d’initiative. Et il a beaucoup communiqué sur 2 ou 3 résolutions relatives à la volonté de faire reculer la délinquance et la criminalité. Quand on mesure par exemple le gain colossal de popularité que s’est acquis tel candidat par le simple effet d’une gifle donnée à un petit voyou, on comprend à la fois combien grande est l’attente des Français et combien généreuse est leur ingénuité.

Simplement cette phase de communication est en voie d’assèchement. Plus que de bonnes paroles, le bon peuple veut des actes. Plus que des gestes, il attend des résultats. Et depuis plusieurs mois cette attente n’a vu venir que des avancées infimes.

Ce 3 février, une étape nouvelle est lancée par l’intervention attendue de M. Raffarin lui-même devant le Conseil Économique et Social. L’habile homme prend bien soin d’inscrire sa volonté de réforme dans le cadre d’une institution fort consensuelle, avant même de s’adresser au suffrage universel et à ses représentants.

Il est significatif du reste que soit avancé le résultat d’un sondage tendant à indiquer que quelque 70 % des Français souhaiteraient, nous dit-on, être consultés par référendum sur la question des retraites.

Or, si l’on veut bien considérer, non seulement la complicité et la technicité des questions d’épargne vieillesse, mais aussi la polymorphie du débat, c’est évidemment se moquer du monde que de laisser planer l’hypothèse d’une procédure référendaire consistant à répondre de manière binaire "oui" ou "non" à un projet de réforme des retraites.

Pris entre une telle imposture, typiquement technocratique, d’une part, et, d’autre part, la montée en puissance de manifestations et grèves sectorielles, le besoin d’une réforme allant vraiment dans le sens d’une plus grande liberté voit donc s’amenuiser la probabilité d’une solution.

Il y a là un mépris évident de la majorité parlementaire sur laquelle en théorie, le gouvernement fonde sa légitimité. Toutes les procédures sont ouvertes sauf celles qui correspondent à la Constitution. Or, sur chacun des terrains où le pouvoir a choisi de déplacer le débat des retraites, la cause de la liberté est perdante. Elle est affaiblie au sein du Conseil Économique et Social puisque cette instance synarchique molle est un lieu de rencontre des représentants du paritarisme gestionnaire des caisses. Elle est inexistante au sein de médiats qui ne donnent jamais la parole au point de vue des libertés sociales. Elle serait totalement verrouillée si la citadelle Bercy avançait un projet à prendre ou à laisser.

On s’est donc gravement éloigné de l’apologie de la France d’en-bas, dont M. Raffarin avait fait sa doctrine. Devra-t-on désormais considérer qu’il est un chef de gouvernement libre ou, au contraire, un simple chef du protocole directeur de la communication chargé d’habiller d’apparences libérales un projet authentiquement socialiste ?

Il y aurait alors une chose certes plus grave que l’étroitesse des voies encore accessibles pour faire avancer les réformes : ce serait le sentiment d’une absence de volonté de les faire aboutir.

Là, il où y a une volonté, il y a un chemin : l’apophtegme a beaucoup servi.

Mais là où il n’existe aucun désir d’avancer, aucune route ne mène plus à Rome.

Inexorablement, le sablier s’est égrené. La seule force du pouvoir repose encore actuellement sur la faiblesse de son opposition institutionnelle. Mais, la nature ayant horreur du vide, d’autres formes de contestation prendront le relais, c’est le deuxième répit, pause purement technique, dont disposent les hommes de l’État.

S’ils le gaspillent comme ils l’ont fait du petit état de grâce de ces derniers mois, gare au réveil.

JG Malliarakis

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