COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 10 FÉVRIER 2003
À la faveur de la discussion de la Loi Dutreil, les 6 et 7 février, les députés ont examiné divers projets de réforme de lISF. Sous le nom de Loi dInitiative Économique, ce texte du jeune secrétaire dÉtat aux PME vise en effet à relancer la création dentreprises globalement stagnante en France depuis plus de 10 ans, alors que le nombre des dépôts de bilan ne cesse depuis 2 ans de croître de manière inquiétante atteignant en 2002 le nombre record de 47 000.
La première remarque à faire est que la réforme de lImpôt de Solidarité sur la Fortune est abordée de manière latérale. On se propose de "taxer largent qui dort" et, à linverse, dencourager largent actif créateur demploi.
Cette dialectique séduit les bons esprits. Elle devient cependant problématique dès lors quon lui confère un caractère réglementaire. Qui décide en effet la part de largent qui dort et de celui qui circule ? Pratiquement la frontière demeure toujours incertaine et il suffit dobserver les mesures votées par lAssemblée pour relever leur caractère arbitraire. (1)
Deuxième remarque, beaucoup plus grave. Cette réforme de lISF ne vient pas de linitiative gouvernementale mais de la majorité parlementaire. Bonne pratique diront les enthousiastes : les représentants du peuple prennent linitiative et corrigent la pusillanimité des bureaux rédacteurs de 99% de la littérature législative effective.
Malheureusement, nous nen sommes pas là. Cest une petite équipe de parlementaires, cest au Sénat, M. Philippe Marini, qui militent en effet pour cette réforme et ils ont marqué un point en faisant passer 3 amendements dont 1 seulement avait dès le départ le feu vert du gouvernement.
Mais on avance en terrain miné. Les Échos (10 février) parlent des "vives réserves" du Président de la république, M. Chirac vis à vis de lidée même de réformer lISF. Lexpression la plus justifiée serait celle "dhostilité totale" du chef de lÉtat et du clan chiraquien. Cette hostilité a été théorisée par le député héréditaire Cornut-Gentille, au nom des "engagements électoraux" de Jacques Chirac donc chacun a pu remarquer le grand succès le 21 avril 2002. Pour une fois que les promesses chiraquiennes sont prises au sérieux, en loccurrence la non-promesse dune non-réforme, on peut faire confiance à cette petite camarilla de technocrates et de stratèges de la communication pour trouver des passerelles avec les socialistes permettant de consolider lISF.
Troisième remarque : linsertion de ces amendements dans une Loi dInitiative Économique pose mal le problème. LISF est supporté en France par 245 000 foyers fiscaux. Il na pas grand chose à voir avec la nécessité dencourager à la création dentreprise ces 4 ou 5 millions de Français qui souhaiteraient sétablir à leur compte et ne le peuvent pas. Bien entendu, la libération des créateurs de TPE (" Très Petites Entreprises ") et la suppression de lISF (2), cela procède dune même philosophie économique et sociale mais ce nest pas la même chose.
Les vrais arguments contre lISF sont dun autre ordre que ceux apparus à loccasion du débat.
LISF, certes, rapporte peu à lÉtat : un peu moins de 2,5 milliards deuros, valeur en déclin depuis la baisse des valeurs boursières. Rapportant pu à lÉtat, cet impôt peut être tenu pour un moindre mal du point de vue du contribuable. On retiendra cependant quau-delà dun seuil finalement modeste (15 millions deuros), il prélève 1,80% et dès 728 000 euros (3), il prélève déjà 0,55%, somme qui sajoute aux diverses formes de prélèvements sur les patrimoines. Les vraies grandes fortunes sont donc fortement incitées à se délocaliser en toute légalité dans lun des 9 États sur 15 de lUnion européenne où cet impôt nexiste pas, ou même dans divers pays qui, tout en taxant le capital, le font de manière beaucoup moins expropriatrice.
La vraie conclusion est donc que lISF est un instrument de combat démagogique dinspiration marxiste tendant à perpétuer lidéologie des coupeurs de tête. On ne réforme pas cette idéologie.
Empruntons pour une fois, et provisoirement, le mot de la fin de ces quelques remarques à M. Arthuis, (4) : " le vrai courage politique, cest de supprimer lISF ". Disons plutôt : " ce serait " de supprimer cet impôt imbécile.