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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 11 FÉVRIER 2003
PEUT-ON VRAIMENT IMAGINER UNE GUERRE EXCLUSIVEMENT POUR LE PÉTROLE ?
La Bataille de Stalingrad avait elle aussi un arrière fond pétrolier.
Létonnante passe darmes de ce 10 février à Bruxelles, sur linterprétation de larticle 4 du Pacte Atlantique de 1949, renforcera sans doute dans leurs convictions ceux qui pensent la guerre inéluctable. Sil faut vraiment protéger la pauvre petite Turquie contre la menace irakienne, comment irions-nous refuser dêtre solidaires dun allié aussi émouvant, rassurant et paisible ?
Reste encore à savoir ce qui rend cette guerre inévitable. Il vient souvent à l'esprit que la vraie raison serait la cause du pétrole. Et les scénarios les plus surprenants sont annoncés de manière tellement péremptoire que nous noserions pas esquisser la moindre tentative de contradiction. On dit que les Américains et les Britanniques, cest-à-dire les Sept Surs de la Finance pétrolière mondiale, chercheraient à mettre la main sur lensemble des pétroles du Moyen-Orient : Irak dabord, puis Arabie Saoudite, puis Asie centrale, etc.
On dit aussi que la France et la Russie qui ont beaucoup investi en Irak, dans le cadre régimiste actuel, seraient écartées dun partage des ressources de ce pays. Doù la ferveur et lopposition à la guerre, là encore ajoutons : "etc."
Les scénarios préétablis ne se confirment que bien rarement.
Si donc on pense que le pétrole est la vraie cause du conflit on doit remarquer que tous "les Arabes" sont loin davoir tous le même intérêt, de même pour lEurope continentale, les Anglo-Américains, les Russes, etc.
Contrairement aux États-Unis lEurope a intérêt à ce que le prix du pétrole soit le plus bas possible. LAmérique et la Grande Bretagne étant à la fois consommatrices et productrices, détenant 7 sur 8 parmi les grandes compagnies pétrolières du monde, ont certes besoin dun prix du brut modéré, mais en même temps d'un prix suffisamment élevé pour valoriser leurs propres réserves.
Dun autre côté, les intérêts des Saoudiens ne sont pas nécessairement ceux dÉtats plus désireux encore de voir les prix flamber.
Si on regarde, par ailleurs, la courbe des prix (1) durant les 50 dernières années, on observe de fascinantes évolutions.
Au milieu des années 1960, la prévision d'un prix du pétrole stable prévalait encore chez les technocrates. Ainsi, le "Que Sais-je" sur la Politique pétrolière internationale était par un excellent énarque. Il concluait doctement alors sur la vraisemblance dun prix du brut maintenu durablement aux alentours de 2 (deux) dollars le baril.
Dans les années 1970, et singulièrement autour de la guerre israélo-arabe de 1973, "choc pétrolier" : les pays producteurs de pétrole parviennent à rattraper lévolution des prix industriels occidentaux. Le prix de 12 dollars le baril apparaît ce stade un plancher incompressible.
Et il est bien clair que toutes sortes dindustries ont subi et subiront de plein fouet cette hausse du prix dune matière première aussi décisive. On peut citer le cas de lavion franco-britannique Concorde dont les vols ne peuvent pas être rentables du simple fait du coût du carburant. Incidemment, pour la France, ceci renforce par exemple le choix dune électricité à 70 % nucléaire, choix rendu impossible dans dautres pays par la pression écologiste, au point quun livre signé de M. Chirac (2) accuse explicitement les Verts dêtre au service des intérêts pétroliers.
Depuis les années 1980, on aurait vu, selon les conjonctures le prix du brut osciller entre 18 et 30 dollars le baril. La tension des dernières semaines a même conduit à un prix record de 32 dollars le baril. Et cette situation est infiniment profitable à un pays comme la Russie essentiellement exportatrice de matières premières et notamment de pétrole qui peut faire face à ses échéances grâce à cette conjoncture.
Faut-il vraiment en déduire que la menace de guerre est liée à des considérations pétrolières ? Ce serait plausible si on était assuré que très rapidement les anglo-américains avaient la certitude dune conquête fraîche et joyeuse suivie dune jouissance paisible et assurée des gisements de lancienne Turkish Petroleum Company devenue Irak Petroleum Company au lendemain de la première guerre mondiale. Lhonnêteté commande de formuler des hypothèses moins péremptoires.
La pression du prix élevé du pétrole se fait sentir sur les économies développer depuis lété 2000 au moins, date à partir de laquelle les tendances à la récession se sont manifestées. Elles sont antérieures aux attentats du 11 septembre 2001. Aujourdhui, elles semblent avoir atteint un maximum du fait de pays extérieurs à la zone du Proche-Orient (3).
On peut certes imaginer que les États-Unis visent à ramener le prix du pétrole à un niveau plus raisonnable. Les premiers intéressés seraient alors les Européens, les Chinois, les Japonais et la frange des pays arabes que lon dit "modérés" (4).
De ce point de vue il est possible de lier la crise politique actuelle à la conjoncture pétrolière mais il serait excessif d'en faire la cause unique, et bien entendu, diabolique.
La Bataille de Stalingrad avait elle aussi un arrière fond pétrolier. Elle aura eu finalement bien d'autres conséquences.
JG Malliarakis
(1) Ces courbes sont établies selon diverses références techniques
(3) par exemple, le Venezuela.
(4) Ils sont dits "modérés" parce quils ont, économiquement et financièrement,partie liée avec les pays développés
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