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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 12 FÉVRIER 2003

AIR LIBERTÉ : AUTOPSIE D'UN MEURTRE

La France reste éloignée de la culture de la concurrence et de la libre entreprise

Ces dernières semaines la disparition de la compagnie Air Liberté était certes devenue inéluctable. Le dernier épisode, marqué par l’intervention d’un homme d’affaires néerlandais avait d’ailleurs marqué la fin du drame. À la fois sa confrontation avec les bureaucraties syndicales pouvait bien être considérée comme caractéristique des difficultés de l’économie française à s’adapter, du fait des rigidités du marché du travail, à un système international de plus en plus concurrentiel. Et en même temps, toute tentative de reprise de l’activité supposait une intervention des pouvoirs publics ressemblant fort, sinon à des subventions, du moins à des cadeaux en provenance de fournisseurs très étatiques : Airbus, Aéroport de Paris, etc. mais aussi très banalement l’Urssaf.

Comme un scénario caricatural : "C’était impossible. Ils ne l’ont pas fait". Tarzan ou Superman, ça marche en bandes dessinées. Pas dans la vie des entreprises.

Or, ce qui est remarquable dans l’affaire d’Air Liberté, ce n’est pas la fin de partie. C’est au contraire la manière dont le capitalisme institutionnel français, lié à l’État, s’est montré dans cette affaire incapable de sortir de la logique du monopole et de la concentration.

Pendant très longtemps, en effet, on a considéré l’offre de transport aérien privé comme une sous-traitance régionale du monopole d’Air-Inter. Puis, l’évolution du Groupe Air France et les impératifs formels de concurrence ont donné l’illusion que ces compagnies allaient pouvoir permettre la "construction" d’un second "pôle aérien français", à partir de combinaisons artificielles.

On doit bien comprendre en effet qu’une offre concurrentielle, c’est ordinairement un produit moins cher et/ou plus performant pour le consommateur. Un avion beaucoup plus rapide mais plus cher (par ex. Concorde) a moins de chance de prendre place sur le marché du voyage aérien, qu’un produit nettement moins cher (RyanAir, Easyjet). Cette réalité de simple bon sens a échappé aux opérateurs français habitués en fait à offrir des liaisons aériennes à la fois plus chères qu’Air Inter, éventuellement moins performantes mais subventionnées par les villes et les chambres de commerce et monopolistiques sur leurs parcours.

Quand Air Liberté apparaît en 1987, quand Air Outremer naît en 1988, pour fusionner en 1992 avec Minerve, etc. tout est en place pour l’échec d’intervention de British Airways (1997-2000) et celle de Swissair faussement associée au groupe Wendel (1999-2001) ne changeront rien.

Parallèlement d’ailleurs le "pôle concurrentiel" dérange Air France.

Tout sera donc fait pour l’enserrer dans un réseau de conditions destructrices.

Bien entendu, nos médiats communiquent surtout sur le sort des 3 500 salariés qui seront, nous dit-on, "difficiles à recaser". Terrible aussi le sort de clients détenteurs de billets sur des vols Air Lib qui n’existeront plus jamais depuis que les avions impayés sont bloqués par l’Aéroport de Paris, créancier de la compagnie privée de licence.

Il serait en partie scandaleux sans doute que le ministère des Transports ne fasse rien pour ces travailleurs, ces voyageurs et même pour ce bon vieil aéroport. Ce serait scandaleux, au sens étymologique du terme, et cela serait pédagogique.

On comprendrait en autopsiant Air Lib que le président du MEDEF, par exemple, n’est pas nécessairement un industriel. Mais ceci n’est qu’un point de détail mondain.

On comprendrait en effet surtout que la France reste toujours assez éloignée de la culture de la concurrence et de la libre entreprise. M. Gayssot, ministre des Transports de 1997 à 2002, n’est pas seul en cause. Ses petits camarades de la CGT ne sont pas ses seuls complices. Si les 600 manifestants du 7 février pouvaient parler d’un meurtre avec préméditation, il y a hélas beaucoup de complices.

JG Malliarakis
©L'Insolent
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