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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 14 FEVRIER 2003

AVEU DE FAIBLESSE DE LA MAJORITE POLITIQUE

L’UMP n’a même pas confiance dans la présence de 400 députés élus par la droite

Ainsi donc le gouvernement a décidé de faire passer en force sa réforme électorale d’urgence, autant dire de dernière minute, à un an des deux scrutins.

Or, cette double réforme des modes de scrutin aux élections régionales et européennes, chacun le sait, ne correspond à aucune préoccupation d’ordre démocratique.

Contrairement, par exemple, à ce que croit M. Kahane, premier intervenant hostile (1) la prétention d’imposer cette sorte de "bipartisme à la française" est même totalement contraire à la manière dont le régime partisan s’est institué historiquement aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Dans ces deux pays, à aucun moment, le législateur n’a conféré aucun privilège aux partis dominants (2). C’est à peine si, depuis l’affrontement célèbre de 1960 entre Kennedy et Nixon d’un débat télévisé, d’ailleurs retransmis par des chaînes privées, souligne à l’occasion de la seule élection présidentielle le caractère de choix binaire et de la politique américaine. Aussi bien en Amérique qu’en Angleterre, c’est à la base que s’effectue le choix des hommes politiques, circonscription par circonscription, de la sorte les parlementaires y sont des hommes libres et la démocratie représentative a un sens à Londres comme à Washington (3).

À Paris, en revanche, on prétend imposer un tout autre système, tout en faisant semblant de copier ce qui se passe Outre-Manche et Outre-Atlantique. Peut-être même des gens aussi butés que M. Juppé croient-ils sincèrement mener la France, par leur réforme à l’élimination des votes protestataires, DONC, imaginent-ils, au régime bipartisan.

Aucun autre parti que l’UMP ne soutient ni le scrutin majoritaire régional (4) ni le découpage arbitraire des circonscriptions européennes. Si à vrai dire, on souhaitait au parlement européen renforcer l’influence française, il eût été préférable d’instituer l’ancien système britannique qui permit en 1979 à Margaret Thatcher de faire élire 65 conservateurs anglais à l’Assemblée de Strasbourg.

Plus généralement d’ailleurs, si l’on voulait vraiment instaurer le bipartisme en France, la seule règle saine, efficace et démocratique serait le scrutin uninominal à un seul tour, qui caractérise la vie démocratique en Grande Bretagne et aux États-Unis (5).

En 2004, non seulement le pouvoir actuel veut rendre illisible le résultat, probablement défavorable, des deux scrutins prévus, mais il imagine s’associer durablement les socialistes. Par une élimination des "incorrects", il propose aux socialistes un jeu de fausse alternance, en verrouillant les contestataires des deux camps : UDF, MPF et Front National à droite, cocos, verts, chevénementistes, trotskistes à gauche.

C’est de ce point de vue un double aveu de faiblesse gouvernementale. Le pouvoir montre à la fois sa crainte d’un résultat défavorable, et son désir de s’acoquiner secrètement avec le parti que l’électorat de droite souhaite battre. Ceci explique la pusillanimité de toutes les tentatives de réforme et même la connivence avec les bureaucraties syndicales pour sauver les 35 heures, les retraites par répartition, etc.

Mais un 3 aveu de faiblesse est venu au sein même du Parlement quand le gouvernement a imposé ce 12 février une procédure de question de confiance par l’utilisation tout à fait malsaine de l’article 49-3.

Ainsi, non seulement le pouvoir reconnaît par anticipation la faiblesse de son soutien populaire de 2004, mais il gomme l’effet majoritaire, au sein des deux assemblées, du groupe parlementaire énorme, quasiment obèse, de l’UMP. On en avait le pressentiment depuis la désignation de M. Jean-Louis Debré pour présider à la hussarde l’Assemblée nationale. On a désormais la confirmation que l’UMP n’a même pas confiance dans la présence de 400 députés élus par la droite.

L’appareil UMP n’envisage pas la possibilité de dominer les débats : il se contente donc de restreindre les débats.

Qu’il ne vienne pas après cela jouer les vierges outragées, les vestales dédicacées au culte de la démocratie, quand il découvrira le mécontentement du peuple et l’inquiétude des défenseurs de la liberté.

JG Malliarakis

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(1) Qui ose assimiler le parti unique soviétique et le bipartisme américain.

(2) On remarquera que ni en Angleterre ni en Amérique les deux partis actuels ne sont ceux de l’origine. Whigs libéraux anglais et fédéralistes américains ont pratiquement disparu aujourd’hui au profit des travaillistes et des démocrates. Et il existe dans ces deux pays des partis nouveaux qui tentent régulièrement leur chance.

(3) De la sorte les partis nationaux anglo-américains, travaillistes comme conservateurs, démocrates comme républicains, regroupent des élus de toutes nuances et c’est cela qui a permis dans les 50 dernières années récentes l’apparition de certaines fortes personnalités comme Nixon, Thatcher ou Reagan fortement contestées par le courant dominant politiquement correct de ce que nous appelons en France la pensée unique.

(4) Cette instauration est inutile depuis la réforme dite "49-3 régional."

(5) Maurice Duverger le soulignait dès les années 1960.

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