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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 17 FÉVRIER 2003

LA RÉPUBLIQUE CONTRE LES TERRITOIRES

La DATAR est le lieu d’une colonisation planifiée par le pouvoir central.
L’aménagement du territoire a détruit les villages et construit les banlieues.

Faut-il y voir l’influence de conseillers en communication issus d’officines soixante-huitardes ? Ou au contraire, une soif de reconnaissance académique ? Nul ne sait. Toujours est-il que le chef de l’État aime à refonder l’esprit républicain par des discours à la Sorbonne.

Ainsi, en septembre 1995, en Sorbonne, M. Chirac avait-il solennellement affirmé que la sécurité sociale, créée 50 ans plus tôt par les Ordonnances signées par la main sacrée du général De Gaulle, était constitutive de l’identité française.

Ainsi, en ce mois de février 2003, M. Chirac, encore en Sorbonne, a-t-il proclamé la République des territoires.

Il faut reconnaître que la formule, plus ou moins rodée, à titre expérimental, dans des interventions moins augustes, venant de membres subalternes du gouvernement, dégageait jusqu’ici un parfum de paradoxe. Les territoires, les terroirs, les enracinements, le régionalisme : ce sont a priori des attachements qu’un républicain de stricte obédience, radical de gauche, chevénementiste ou gaullo-souverainiste trouve naturellement suspect. Voilà pour la cuisine des idées, telles qu’on les fait revenir, recuites dans les casseroles du jacobinisme et des sociétés de pensées agréées et discrètes.

Depuis 1972, il est vrai, la Région s’est trouvée blanchie à la chaux de la réforme Chaban. Elle est devenue, regroupement de départements, exactement le contraire de ce que, depuis un siècle, souhaitaient les promoteurs de l’idée régionaliste française.

Car depuis 1963, depuis la création de la DATAR, Délégation à l’Aménagement du Territoire dont la réunion sorbonnique solennisait ce 13 février le 40 anniversaire, le territoire n’est plus objet d’un attachement particulier. C’est le lieu d’une colonisation supplémentaire planifiée par le pouvoir central, enjeu d’une politique appelée " aménagement du territoire ".

Au plan des idées, on semble satisfait d’avoir gommé les identités régionales : plus de Dauphiné, plus de Savoie : "Rhône-Alpes". Plus de Berry, plus de Touraine : "Centre", PACA pour Provence, etc.

Au plan des faits, on continue l’erreur de l’électrification des campagnes retardée de 20 ans dans les années 1920, du téléphone fixe considéré comme un "gadget" (1) dans les années 1960. On les continue avec le haut débit Internet, inconnu en zone rurale et même avec le téléphone portable qui pourraient être d’une utilité fondamentale pour dynamiser l’activité dans les campagnes.

La France Agricole (15 février) fait ainsi le procès de l’exclusion de la France rurale de la couverture par la téléphonie mobile. En réalité, tous les chiffres donnés officiellement sont faux : couverture à "84 %", "17" départements en zone blanche, etc. À l’arrivée, dans la plupart des zones rurales, les divers réseaux de téléphonie mobiles sont mauvais. Voilà la vérité.

Certains seraient tentés d’y voir le résultat de la multiplicité des opérateurs et de la concurrence pourtant fort mitigée. C’est évidemment une erreur. Il existe une Autorité régulatrice des télécommunications : à quoi sert-elle ? France Telecom et sa filiale Orange sont les premiers fautifs, et la couverture de l’opérateur historique est souvent moins bonne que celle de ses concurrents. L’État a certes promis la construction de 1 200 pylônes, plus de 2 ans après que le nombre d’abonnés au portable ait dépassé celui des lignes fixes et on peut imaginer qu’il interviendra avec autant de diligence et d’esprit esthétique qu’EDF et les poteaux de télécommunication des années 1950.

L’aménagement du territoire est une des pires formes de la redistribution étatique. Il a détruit les villages et construit les banlieues. Et en fait, dans la redistribution étatique, la France rurale est toujours perdante et elle le sera de plus en plus dans le cadre du jacobinisme.

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) L’expression fut explicitement utilisée à l’époque par M. Galley ministre de tutelle de la Direction générale des télécommunications.

 
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