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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 18 FÉVRIER 200

L’ÉTERNEL RETOUR DE LA CRISE PORCINE

La Confédération Paysanne de José Bové instrument de la technocratie.

C’est un cas d’école bien connu des étudiants débutants en sciences économiques : cycliquement, de façon fort rapide, les cours de la viande porcine reviennent vers le bas tous les 5 ans. On considérait ainsi traditionnellement 2 mauvaises années, une moyenne et 2 bonnes.

Il va de soi que les systèmes sociaux français ne se sont jamais adaptés à cette particularité pourtant bien connue de la profession. Pire encore, exploitants individuels ressortissants pour la plupart du monopole de la MSA tant pour leurs charges personnelles que pour celles de leurs salariés agricoles, les éleveurs porcins paient leurs assurances maladie, vieillesse, etc. sur la base de 38 % de prélèvements, l’année N, calculés par rapport aux revenus de l’année N-2 ou N-3. Les bonnes années, le calcul est faussement favorable mais en année de crise, l’impasse est totale. Les cotisations sociales deviennent l’instrument de la mort, comme d’habitude, contre la petite entreprise.

Or, l’année 2002, a vu le cycle traditionnel largement perturbé avec 3 mauvaises années sur les 5 dernières. De sorte que la remontée des cours durant l’année 2003 devient une question de vie ou de mort.

On considère que plus de 30 % des éleveurs de l’ouest, principale région française de production, sont actuellement au bord du dépôt de bilan. Mais le ministère se garde bien de reconnaître l’état de crise.

Actuellement, le cours de la viande de porc payée au producteur est de 1,25 euros/kg voire 1 euro, pour un prix de revient évalué entre 1,30 et 1,36 euros. De plus, diverses études montrent que la profession est surendettée. Dans le département des Côtes d’Armor, le taux d’endettement des éleveurs est évalué à 90 %.

Le 3 février à Plérin, centre national du marché du porc, environ 500 éleveurs, appartenant aux diverses tendances du syndicalisme agricole, s’accordaient sinon pour proposer un allégement des carcasses de 5 kg par carcasse, du moins pour aller dans le sens d’une diminution du poids des cochons.

En face de cela les pouvoirs publics ont pour attitude de nier la crise. Très probablement, l’arrière-pensée consiste à souhaiter le dépôt de bilan du plus grand nombre possible d’éleveurs et d’attendre que la demande sociale et politique d’un plus fort interventionnisme étatique dans l’agriculture vienne conforter la technocratie. On comprend mieux dans ce contexte pourquoi l’administration donne systématiquement raison aux monopolistes de la MSA et laisse le Crédit Agricole et les banques agrées produire des situations de surendettement.

Jusqu’à l’arrivée d’Édith Cresson au ministère de l’Agriculture dans la foulée du mitterrandisme, la FNSEA détenait le monopole de la représentation corporative dans le système. Il n’y pas lieu de douter que ce monopole fut néfaste. Il a notamment permis à la nomenklatura FNSEA de coloniser précisément tous les organismes eux mêmes monopolistes, expropriateurs de fait et destructeurs de la petite paysannerie (MSA, Crédit Agricole, coopératives, organismes redistributeurs des aides, etc.) Mais il a réduit la FNSEA et ses éternels "Jeunes agriculteurs" (1) à un rôle purement gestionnaire.

Mme Cresson reconnut alors la "représentativité administrative" de la Confédération Paysanne.

La Confédération Paysanne de José Bové devint alors l’aiguillon collectiviste et l’instrument de renforcement de la technocratie.

C’est elle qui cherche à transformer la nécessaire tendance à la réduction du poids des cochons en oukase administrative de diminution de 5 kg le poids des carcasses de porcs.

Il faut s’astreindre à consulter son site Internet pour comprendre à quel point ce mouvement, dont la plupart des tentatives d’agitation aboutissent à des échecs depuis des mois, s’insère en fait dans les projets administratifs les plus déconnectés du réel : transformation des CTE, "contrats environnementaux" en CAD, "contrats d’Agriculture durable", remplacement du PMPOA, "programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole", en Plan, car c’est désormais un plan de maîtrise des pollutions "nées aux effluents d’élevage", (2). Le plan avait tout prévu, sauf le nombre d’éleveurs qui se sont engouffrés dans le PMPLEE : 120 000 au 31 décembre 2002, contre un maximum de 100 000 prévu par le ministère.

La Confédération Paysanne, malgré ses échecs auprès des agriculteurs eux mêmes est considérée par les médiats et en haut lieu comme un interlocuteur de choix

Car la Confédération est omniprésente dans tous les dossiers malgré le peu d’écho rencontré auprès des intéressés. Le 4 février, elle a inutilement cherché à mobiliser, dans 20 départements, contre la baisse du prix du lait, payé au producteur 4,75 euros les 1 000 litres. Ailleurs, elle proteste contre les subventions accordées aux céréales de montagne dans les "zones accessibles cultivées" au détriment des "zones réellement difficiles" là où bien évidemment il n’y a rien ni personne pour voter pour M. Gaymard.

Sur les vraies questions, qui sont depuis 20 ans la charge de la dette et le tribut social monopoliste, on doit hélas constater amèrement la convergence absolue pour imposer la conjuration du silence, sur laquelle sont unis les idéologues de gauche, les technocrates du ministère, et malheureusement aussi, une partie des représentants du pouvoir actuel.

C’en est à se demander si le monde rural mérite aux yeux de nos gouvernements la considération affichée en théorie pour la France d’en bas ?

JG Malliarakis
©L'Insolent

(1) C’était en 1982 les mêmes qu’en 1962. Ils n’étaient plus jeunes, ils n’étaient même plus exploitants agricoles.

(2) "Ah qu’en termes galants ces choses là sont dites !"

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