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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 21 FÉVRIER 2003
PEUT-ON PRÉTENDRE RÉENCHANTER LÉCONOMIE ?
Les entrepreneurs individuels vont revenir sur terre en recevant leurs relevés de banques et les appels de cotisations des caisses sociales
Petit à petit, les unanimismes de façade et les enthousiasmes de circonstance se disloquent. Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin semble en faire sérieusement les frais, chutant de 7 points dans les sondages après avoir semblé convaincre pendant quelque 7 mois.
Pour le pays réel, ce qui compte ce ne sont pas les discours des hommes politiques, cest la réalité matérielle des faits.
Quimportent les visites dans les commissariats dun ministre de lIntérieur, si sympathique soit-il, si dans la pratique la criminalité nest pas balayée. Que pèsent les exhortations du chef du gouvernement appelant les PME à "lutter pour lemploi" si les débouchés de lactivité productrice se restreignent ?
À cet égard, par exemple, la visite pittoresque et fort encourageante de M. Raffarin, le 18 février au Centre de formation et dapprentissage de Ploufragan dans les Côtes dArmor, a été loccasion dun petit discours qui laisse rêveur. Certes, on ne peut quapprouver cette manifestation dencouragement à une institution formant chaque année quelque 2 000 apprentis. M. Raffarin devrait cependant sinitier lui-même aux bonnes manières et savoir quon ne fait pas de baisemain à une jeune fille, même apprentie pâtissière (1), et surtout pas dans un lieu public. Mais que ne ferait-on pas quand, fils dun ministre de Pierre Mendès-France, on exalte la France den bas.
Nous sommes un peu perplexes également quand nous découvrons les propos du Président de la Chambre des métiers de Saint-Brieuc, M. Jean-Claude Moy, assurant au Premier ministre : "Les artisans seront toujours à vos côtés pour réenchanter léconomie".
Sagit-il en effet de laisser succomber au sortilège dun quelconque "enchantement" ? Les entrepreneurs individuels qui sy engouffreraient risqueraient fort de revenir brutalement sur terre en recevant leurs relevés de banques et les appels de cotisations de leurs caisses sociales, en attendant les décisions des tribunaux de commerce.
Pendant que le chef de gouvernement faisait en Bretagne lapologie de lartisanat et de lapprentissage (2), le président du patronat français, M. Ernest-Antoine Seillière désenchantait à Paris, au nom des grandes entreprises, le même jour, la situation conjoncturelle de la France.
Les inquiétudes portent officiellement sur les prévisions de croissance pour lannée 2003.
En septembre 2002, le gouvernement avait établi son projet de loi de finances sur la base dune prévision à 2,5 %.
Puis successivement en 5 mois, on a vu, lune après lautre, toutes les prévisions diminuer de 0,2 points par mois environ :
Cette dégringolade des prévisions, dont la fiabilité ne doit pas nous faire illusion, correspond en fait à une baisse générale en Europe du climat économique, baisse aggravée par les difficultés spécifiques de la France. Tout cela est moins quantifiable a priori que ne le pensent les technocrates mais cela se traduit dans les comptes nationaux du Budget de lÉtat ou des recettes sociales. Seule la dépense publique demeure très largement imperturbable. Et le résultat est bien entendu catastrophique du point de vue du déficit français qui va bien évidemment explorer au-dessus de la barre des 3 %.
Que cette dernière probabilité conduise le pouvoir à durcir la fiscalité, à alourdir les prélèvements obligatoires, à renforcer les contentieux des caisses sociales, voilà qui contribuera de manière imprévue à réenchanter léconomie.
JG Malliarakis
(1) Cf photo diffusé par l'AFP et reproduite complaisamment par le Figaro du 19.
(2) Comment ne pas souscrire à cette exclamation "lapprentissage nest pas une filière de rattrapage pour ceux qui ne réussissent pas à faire des études supérieures" ? Reconnaissons cependant que l'expression la plus appropriée eût été "lapprentissage ne devrait pas être une filière de rattrapage."
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