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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 25 FÉVRIER 2003

SOMMES-NOUS TOUS DES INTERMITTENTS DU SPECTACLE ?

M. Jospin avait promis

Il ne faut pas sourire du privilège des intermittents du spectacle. En moins de 15 ans cette honorable corporation est passée d’un effectif de 41 000 allocataires à quelque 95 000. Ceci compense sans doute la baisse corelative du nombre des membres du clergé et des artistes réels avec lesquels ils constituaient autrefois la rubrique 99 des "professions du père". Mais ni les prêtres (ressortissant d’un régime mis en place par Simone Veil) ni les artistes (affiliés à la maison des artistes) ne bénéficient des mêmes avantages sociaux. C’est ce qu’on appelle sans doute l’exception culturelle française. En tout état de cause c’est bien ce statut corporatif des intermittents du spectacle qui empêche le cinéma français de s’intégrer à la logique économique de la concurrence et de la création internationales. Les funambules d’aujourd’hui ont inversé la fière affirmation des enfants de la balle d'hier "l’artiste travaille sans filet". On ne semble plus concevoir en France de travailler qu’avec filet.

On pourrait croire que la CGT-Spectacle est la seule organisation à défendre cette originalité : on se tromperait, à moins d’admettre que nos hommes politiques de droite, eux aussi intermittents à leur manière, et à qui il arrive de se donner en spectacle sur des scènes subventionnées, se sont secrètement affiliés à la CGT-Spectacle lorsqu’ils défendent l’exception culturelle.

Aujourd’hui certains d’entre eux protestent contre l’évolution de leur statut qui découle inéluctablement du succès démographique de leur système en total déficit, déficit chronique dénoncé aussi bien par l’Unedic que par la Cour des comptes.

C’est cependant un tabou.

Une étrange loi était ainsi publiée au J.O. Numéro 55 du 6 mars 2002 page 4215. Elle était promulguée par M. Jacques Chirac, président de la République et elle portait la signature du Premier ministre d’alors, M. Lionel Jospin, celle du ministre de l’emploi et de la solidarité, Mme Élisabeth Guigou et enfin du ministre de la culture et de la communication, Melle Catherine Tasca elle-même rejeton d’un assez remarquable "intermittent" de l’écriture historique qui, hélas, n’a guère bénéficié du statut. Cette loi no 2002-311 du 5 mars 2002 "relative au régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle" comportait curieusemnt un Article unique. Il était ainsi rédigé : "Le régime d’assurance chômage des salariés appartenant aux professions visées par les annexes VIII et X au règlement annexé à la convention du 1er janvier 1997 relative à l’assurance chômage reste fixé par les dispositions de ces deux annexes, jusqu’à ce que la convention du 1er janvier 2001 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage ait fait l’objet d’aménagements prenant en compte les modalités particulières d’exercice de ces professions, dans les conditions prévues par l’article L. 351-14 du code du Travail."

Étrangeté juridique que cette petite loi. Elle était destinée à freiner l’évolution nécessairement inscrite dans la logique du paritarisme. Car en dehors de la CGT-spectacle personne ne peut sérieusement s’accrocher au statut.

Le 17 juillet 2000, M. Jospin avait d’ailleurs donné des gages aux intermittents du spectacle. Répondant à l’appel du comédien Pierre Santini, en prélude de la représentation de Médée à laquelle il avait assisté la veille, le premier Ministre s’était engagé, en Avignon, devant la Fédération nationale des élus socialistes, à garantir l’avenir du régime d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle. Il invitait "les partenaires de l’UNEDIC au niveau national et interprofessionnel à trouver les moyens de garantir la pérennité de ce régime spécifique. Le spectacle vivant ne peut lui-même vivre sans l’intermittence. […] Soyez certains, concluait-il que le gouvernement entend bien garantir son avenir."

L’accord passé entre le MEDEF, la CFDT et la CFTC prévoyait alors de soumettre les intermittents au PARE, ce qui, selon l’Humanité (18 juillet 2000) "aboutirait concrètement à la destruction de leur statut spécifique."

Il est vrai que ce statut qui coûte extrêmement cher à la société, et qui bien évidemment pénalise et paralyse le spectacle, n’est pas perdu pour tout le monde puisque ces intermittents, dont le statut est unique en Europe, sont, par définition, disponibles pour toutes les provocations et gesticulations manifestatoires entreprises au nom des "chômeurs" et autres damnés de la Terre et forçats de la faim. Aujourd’hui la majorité UMP, malgré la présence de M. Juppé à la présidence de ce parti, n’a aucune raison de tenir les promesses de M. Jospin et de répondre aux angoisses exprimées par l’Humanité.

JG Malliarakis

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