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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 3 MARS 2003

POUR LA SIMPLIFICATION

"Arrêtez d’emm… les Français !" (Georges Pompidou)

Sur le site de l’Assemblée nationale le 28 février, avec un mois de retard, apparaissait la proposition 578. Celle-ci avait pourtant été enregistrée à la présidence en date du 30 janvier 2003.

Elle est soutenue par 163 députés de l’actuelle majorité et l’initiative en revient à François d’Aubert. Son principe est d’instaurer une loi annuelle de simplification législative et réglementaire

C’est une proposition de loi courte mais intéressante puisqu’elle comprend un article unique : "Chaque année, le gouvernement dépose un projet de loi de simplification administrative."

L’exposé des motifs mérite d’être cité intégralement :

"Le Conseil d’État mit l’accent dans un rapport de 1991, resté célèbre, sur la prolifération des textes multiples et parfois inutiles car inappliqués.

"Dans un article récent, le vice-président du Conseil d’État, M. Denoix de Saint-Marc, maintenait ce constat déplorant que, dans un pays où nul n’est censé ignorer la loi, étaient recensés près de 150 000 textes de portée générale, dont 7 500 lois et 82 000 décrets d’application.

"La construction européenne n’a rien arrangé : à l’empilement national, s’est superposée la superstructure juridique des directives dont les États doivent assurer l’entrée en vigueur en modifiant leurs propres textes législatifs ou réglementaires, et celles des règlements communautaires, d’application immédiate. Les conventions internationales se rajoutent à cet édifice.

"Cette prolifération de texte, ce "harcèlement textuel", a de multiples causes, mais résulte principalement de deux comportements préjudiciables :

"L’absence de toute évaluation des dispositifs existants, car la réglementation nouvelle est devenue, avant toute expertise, une réponse politique quasi-automatique de la "bureaucratie" de notre société. Or la "production réglementaire" est un "marché régi par l’offre". Plus vous avez de fonctionnaires susceptibles de produire des textes, plus le nombre de ceux-ci sera grand et ce quelle que soit la "prétendue demande".

"C’est si vrai que certains États ont cherché à lutter contre la prolifération des lois, par la limitation de l’activité de leurs services : ainsi en Australie, les départements ministériels ont une enveloppe budgétaire pour l’élaboration et le suivi de la réglementation. Cette enveloppe est calculée en coûts-heures de fonctionnaires. Elle ne peut être dépassée et fait même l’objet de diminutions lors des arbitrages budgétaires. Si au cours d’une année, ce "budget" est dépassé, cette administration n’a plus le droit de déposer un texte.

"Cette augmentation incessante de la réglementation a des conséquences graves.

"En premier lieu, la loi et les règlements ne sont plus compréhensibles.

"Le Conseil Constitutionnel lui-même a cru devoir rappeler que la "clarté de la loi" est un principe fondamental de notre démocratie. Dans sa décision du 16 décembre 1999, il met en valeur l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; "qu’en effet l’égalité devant la loi, énoncée par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et la "garantie des droits" requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; qu’une telle connaissance est en outre nécessaire à l’exercice des droits et libertés garantis tant par l’article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n’a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel "tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas."

"Autrement dit, l’essentiel de notre stock de lois ne répond plus à la définition du Conseil Constitutionnel et serait sûrement remis en cause s’il existait un recours direct ou indirect des citoyens devant le Conseil Constitutionnel,

"En second lieu, l’empilement des textes est source de coûts pour l’ensemble de la collectivité, et notamment pour les entreprises, dont les obligations déclaratives ou autres ne cessent de croître, préjudiciant d’autant à notre compétitivité.

"Enfin, la loi n’est plus vécue comme une libération, mais comme une oppression, notamment du fait du détail excessif dans lequel elle rentre, ainsi que les textes réglementaires d’application. Ce sentiment d’oppression est bien résumé par cette phrase célèbre attribuée au Président Pompidou, "arrêtez d’emm… les Français !". Mais au-delà, la non-application des lois (une sur deux dit-on) ne rend pas l’État crédible et c’est la notion même d’État de droit qui devient contestée.

"Il est temps de réagir et de cesser de baisser les bras. Pour cela, il faut s’appuyer sur la détermination du gouvernement et sur l’initiative des parlementaires. À cette fin, la présente proposition de loi propose l’examen, chaque année par le Parlement d’un projet de loi de simplification.

"Le débat autour de ce projet pourrait être préparé par une procédure de transmission préalable auprès du ministre en charge de la Réforme de l’État. Les propositions de modification des parlementaires seront annexées en documentation au projet de loi qu’elles aient été retenues ou non.

"Une telle demande s’inscrit dans une perspective d’un retour souhaitable à une application plus stricte de l’article 34 de la Constitution qui nous dit que la loi "fixe les règles" dans des domaines fondamentaux comme les droits civiques, les libertés publiques, le droit civil, la nationalité, les crimes et délits ou la procédure pénale. Dans d’autres domaines comme "la libre administration des collectivités locales, leurs compétences et leurs ressources", "l’enseignement", "le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales", "le droit du travail, le droit syndical et la sécurité sociale", le même article 34 stipule que la loi détermine seulement "les principes fondamentaux".

Notre commentaire est le suivant : nous avons maintes fois exposé ici les dangers de la doctrine revendiquant la seule simplification administrative, législative et réglementaire, en ce sens que la simplification nous paraît nécessaire mais non suffisante.

Cela n’ôte rien à sa nécessité, comme à la pertinence de la démarche de François d’Aubert soutenu par 162 de ses collègues.

On aimerait savoir, cependant, dans quel délai et avec quelle diligence la présidence de l’Assemblées'en fera véritablement l’écho.

Pour l’instant la proposition 578 est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles...

JG Malliarakis

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