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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 5 MARS 2003

L’OPERATION DECENTRALISATION N’EST HELAS QU’UN TROMPE-L’ŒIL

La régionalisation du cadre français supposerait une véritable révolution fédéraliste.

M. Raffarin possède un talent qui lui est particulier. Il sait présenter les décisions technocratiques sous un angle philosophiquement acceptable pour tout un chacun. Dans son aimable discours, les défenseurs des libertés peuvent même retrouver du grain à moudre.

Hélas, ce grain à moudre demeure virtuel. Les discours philosophiques les plus habiles n’ont qu’un temps. Les faits sont les faits et lorsque le chocolat a fondu, qui l’enrobait, la pilule n’en est que plus amère. Ainsi en est-il après 9 mois d’une gestation gouvernementale où il ne s’est pratiquement rien passé sur les chantiers décisifs.

Aujourd’hui, ne nous y trompons pas : l’État central français se trouver enserré dans la question de ses déficits résultant de dépenses publiques extravagantes qu’il est à peu près incapable de maîtriser.

S’il prétend décentraliser les charges de son budget, c’est exclusivement parce que "Bruxelles", c’est-à-dire la Commission Européenne (au sein de laquelle le poids de "Paris" est non négligeable), mais surtout "Francfort", c’est-à-dire la Banque Centrale Européenne enregistrent qu’avec 3,5 % de déficit de l’État rapporté au produit intérieur brut de la Nation, la France est en totale contradiction avec ses engagements pris à Maastricht en 1991, confirmés à Amsterdam, repris par le Pacte de stabilité et finalement nécessaires à la crédibilité de l’Union monétaire européenne.

La même démarche incite donc cet État central français

à transférer la gestion de certaines charges sur les collectivités locales

et à mettre en place une autorité publique de gestion des entreprises d’État.

Cette dernière réforme n’a rien à voir avec une vraie privatisation. Elle ressemble plutôt à la création de l’IRI dans l'Italie des années 1930. Cette création permit à nos voisins, après 1945, de nombreuses dérives conduisant à une gestion au mieux technocratique, au pire mafieuse. Pour son bonheur, l’Italie s’en est aujourd’hui presque entièrement affranchie : est-il pertinent de retomber en France dans des solutions qui firent le bonheur du Front Populaire, du régime de Vichy et des débuts des IV  et V républiques ? Aucun économiste informé ne saurait y souscrire.

De même la décentralisation sera en trompe-l’œil. Les syndicats marxistes de l’enseignement s’indignent, piétinent et trépignent parce que sur 150 000 fonctionnaires de l’État qui seraient reversés aux effectifs de la fonction publique territoriale 110 000 sont des personnels de l’Éducation nationale. Crime de lèse-jacobinisme éducatif croient-ils bon de chanter, reconvertir à un patriotisme d’opportunité syndicale. Dans pour l’emploi font-ils mine d’imaginer.

Eh bien ces syndicats marxistes ont tort. Toutes les opérations décentralisation accomplies depuis les lois Defferre votées en 1982 par le gouvernement Mauroy ont aggravé les dépenses globales des administrations publiques françaises.

Si les dépenses de l’État se sont multipliées par 2,2 en valeur courante sur 20 ans, les charges des collectivités publiques elles se sont multipliées par 2,8.

Les premières sont passées de 150 à 330 milliards d’euros, les secondes de 50 à 144.

Et cette évolution ne reflète pas seulement une volonté du gouvernement central de charger régions, départements, communes et collectivités bizarres (1) de dépenses plus dynamiques.

Cela tient au fait que les collectivités locales françaises sont essentiellement tenues pour dépensières.

Elles n’ont aucun droit à la concurrence fiscale véritable, aucun droit à la responsabilité, aucune maîtrise de leur destin et de leur identité. L’État, demeurant essentiellement jacobin, leur accorde chichement une autonomie de pacotille. La régionalisation du cadre français supposerait une véritable révolution fédéraliste dans notre pays.

Nos énarques et nos hommes politiques n’y sont certes pas préparés.

JG Malliarakis

(1) intercommunalité, pays, etc.

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