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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 11 MARS 2003

DU GOUVERNEMENT ET DE SON USURE

Le fusible Premier ministre a servi pendant les 40 années de la V république

L’une des constantes de la V république, conséquence du flou des institutions et le partage des rôles entre président de la république et Premier ministre. Même dans les périodes de cohabitation on a admis que la politique extérieure était la chose du chef de l’État. Et pourtant cette notion de domaine réservé fut une simple invention d’un congrès du parti gaulliste en 1959. Elle a prospéré et elle a été étendue aux affaires européennes. Ainsi, le président français est le seul chef d’État des 15 à siéger effectivement au sein du Conseil européen (1).

Il s’ensuit une autre conséquence. Contrairement à la lettre de l’article 20 de la Constitution, le chef du gouvernement semble voué aux tâches jugées subalternes, et relevant de l’intendance. Dans la période 1962-1968, marquée par une prospérité heureuse, cela valut à Georges Pompidou une popularité imprévue qui lui permit en 1969 d’accéder, après une année de mise en réserve de la république et de brouille passagère, à la succession du général De Gaulle. Mais depuis lors plus aucune "figure" de Premier ministre ne put s’imposer : ni Chaban en 1974, ni Chirac en 1981 et 1988, ni Barre, ni Balladur en 1995, ni Jospin en 2002.

Selon la formule du fondateur, "il faut" que le Premier ministre "dure et qu’il endure". À lui toute la charge de l’impopularité et c’est sans doute le calcul qui a poussé au printemps 2002, M. Alain Juppé, apparemment maître du jeu, à propulser son excellent ami, M. Jean-Pierre Raffarin, à occuper l’Hôtel Matignon. Il voulait faire oublier son propre passage entre 1995 et 1997.

Or, à quelques exceptions près, il est assez constant que le chef du gouvernement au contact des réalités quotidiennes, s’il s’expose au désamour du pays réel à l’endroit du pays légal, finisse aussi par intérioriser la voix de ces Français qui travaillent tout le jour pour servir le soir le souper des princes.

Ainsi entendit-on pendant quelques mois la petite musique du Poitevin Raffarin. Et si son doux flûtiau semble depuis l’hiver couvert par les cuivres et les chants guerriers de la guerre d’Irak, il n’est pas certain qu’un petit regret n’accompagne dans l’esprit d’un bon nombre de Français la prise de conscience de son usure ministérielle.

Pour notre part, nous pensions qu’en 9 ou 10 mois de campagne électorale et d’état de grâce discrète, face à la déconfiture sans précédent de la gauche, M. Raffarin n’a pas fait, pas pu faire ou pas voulu faire les réformes qu’il fallait rendre possibles sur 100, 200, ou 300 jours. À supposer même que certains de ses ministres en rêvent encore ces réformes vont devenir de plus en plus difficiles et douloureuses, tout en se révélant fort nécessaires.

Le 10 mars on a ainsi encore baissé les prévisions de croissance de 0,2 point. La prétendue croissance prévisionnelle a été ramenée à 1,2 plutôt que 1,4 ou 1,5 à l’occasion des prévisions de l’emploi de l’UNEDIC. Depuis septembre on perd 0,2 régulièrement par mois… Si donc fin décembre les réalisations de 2003 se révèlent en récession, il ne faudra pas s’étonner. Comment dans de telles conditions, les Français ne seraient-ils pas partagés entre le désir de voir rejeter Raffarin ou celui de reporter leur mécontentement sur celui qui le coiffe et qui ne pourra pas éternellement faire rejaillir les problèmes de la France sur Bruxelles ou sur Washington.

Le fusible Premier ministre a servi pendant les 40 années de la V république. Il serait temps, semble-t-il, de s’interroger sur les institutions elles-mêmes qui permettent à un président mal élu de passer pour une vedette internationale en se déconnectant des vrais problèmes nationaux.

Si l’on désire aller jusqu’au bout d’une telle dichotomie, mieux vaudrait à tout prendre, une monarchie constitutionnelle! Cette solution d’ailleurs ne réussit pas trop mal à l’Angleterre, à l’Espagne, aux Pays-Bas, au Danemark ou à la Suède.

JG Malliarakis

(1) Contrairement aux dispositions du traité de Maastricht, et 12 ans après sa signature, les médiats français persistent à nommer faussement "Sommets" les réunions de ce Conseil.

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