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CHRONIQUE DE L'EUROPE LIBRE

LUNDI 17 MARS 2003

SUR LA DISPARITION DE DEUX ENTREPRENEURS FRANÇAIS

Jean-Luc Lagardère et Bernard Loiseau victimes du système ?

À quelques jours de distance, la mort de Jean-Luc Lagardère, ce 14 mars, après celle de Bernard Loiseau, peut être mise en parallèle, et pas seulement du point de vue de l’impact médiatique des deux événements.

On peut certes trouver légèrement excessif que le Monde ait fait de la disparition de Lagardère l’intégralité de sa première page du 16 mars. Ayant largement passé le relais notamment à son fils cogérant du groupe depuis 1998, le fondateur de ce groupe économique couvrant à la fois l’industrie d’armement et les médias ne représentait quand même pas une telle importance universelle : pour être plus précis, disons que cette couverture de l’événement montre surtout la décadence du quotidien de la pensée unique.

Le parallèle entre Loiseau et Lagardère est intéressant à plusieurs égards.

L’un comme l’autre, d'abord, sont des fils du terroir, l’un Bourguignon, l’autre Gascon. Tout au long de leurs carrières, chronologiquement inégales, ils ont l’un comme l’autre témoigné de leur enracinement respectif.

Bien entendu, la puissance du groupe Lagardère, encore renforcée en octobre 2002 par le rachat du pôle édition de l’empire Vivendi Universal en décomposition, doit beaucoup à un rapport avec l’État. Le rapport, décrié par les oppositions successives, a su parfaitement se rapprocher à chaque alternance.

On peut faire plusieurs remarques à ce sujet.

Première remarque, si socialistes et technocrates ont toujours eu besoin d’articuler leurs interventions sur des intérêts privés de grande taille, c’est aussi parce que directement ils ne savent rien gérer. Quand ils imposent des fonctionnaires même brillants à la tête des entreprises publiques (ex. Gallois à la SNCF ou Bon à France Télécom) ou privées (ex. Messier à Vivendi), les résultats sont désastreux.

Deuxième remarque, un Lagardère même imbriqué dans le système monopoliste se réclamait de l’économie de compétition.

Il est cependant dommage que cette opinion privée n’ait jamais rejailli, contrairement à son homologue Berlusconi en Italie, sur une prise de position cohérente dans l’énorme sphère médiatique qu’ils contrôlent l’un comme l’autre.

C’est probablement parce que la culture d’entreprise en France ne s’implique pas dans le débat social comme elle le fait en Italie. De ce côté-ci des Alpes la coupure entre "grande" entreprise proche de l’État, et "petite" entreprise légèrement moins considérée par la France "d’en haut" crée un contexte bien particulier.

C’est en cela que Loiseau nous est plus proche, plus sympathique au fond que Lagardère. Non parce que nous aurons une préférence pour la Côte d’Or plutôt que pour le Gers. Mais parce que Loiseau, grand cuisinier fait figure, en comparaison de Lagardère, de "petit" chef d'entreprise.

Que, l’un comme l’autre, ils soient morts victimes du système est un autre parallèle.

Inutile de revenir sur les causes invoquées du suicide de Bernard Loiseau : l’écrasement de l’individu par le système financier, fiscal, médiatique doit être compris dans un caractère global, terrible. Les rédacteurs malencontreux du Guide Gault et Millau n’en sont pas personnellement plus "responsables mais pas coupables" que la fiscalité socialiste. On devrait y réfléchir un peu plus.

Mais Lagardère aussi est mort victime du système : il est mort d’une dimension du système sanitaire français (1) puisque celui-ci provoque plus de morts annuellement du fait des maladies nosocomiales que des accidents de la route.

Puisse cette disparition faire réfléchir ceux qui croient encore que nous disposons du meilleur système du monde.

JG Malliarakis

(1) C'est même nous assure Mme Sophie Coignard auteur de l'édition 2003 de l'Omertà française, un des sujets tabous de notre pays… Grand maître des médiats, Lagardère pouvait ainsi faire figure de pilier de ce système.

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