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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 19 MARS 2003

M. FILLON SE TROMPE D’INTERLOCUTEURS

EN MÊME TEMPS QU’IL CHERCHE À TROMPER LES FRANÇAIS

"Vous ne résoudrez aucun problème avec ceux qui les ont créés" Albert Einstein

Ce 18 mars, le ministre des Affaires sociales, M. Fillon, a enrichi le vieux thème de l’héritage des prédécesseurs inventé en 1981 par le gouvernement Mauroy. Le mot du jour est "la passe difficile que traverse le pays" et il l’impute à la fois à la conjoncture internationale et, secondement, à la politique du gouvernement Jospin "qui ne s’est pas portée sur les racines du développement économique et de l’emploi".

Cette rhétorique est évidemment à la fois dérisoire et habile. Si la conjoncture internationale n’était pas la cause des difficultés de la France, des esprits mal intentionnés pourraient se demander pourquoi en 10 mois de gouvernement Raffarin si peu d'avancées ont été accomplies. Pourquoi, par exemple, la majorité écrasante dont dispose l’UMP à l’Assemblée nationale n’a-t-elle pas permis d’abroger purement et simplement le caractère contraignant de la loi des 35 heures ? Un tel texte n’aurait aucunement touché aux fameux avantages acquis mais il aurait permis d’aller de l’avant dans les petites entreprises, dans les hôpitaux, etc.

La conjoncture internationale a donc bon dos. Elle permet de légitimer — mais seulement aux yeux de la partie la plus crédule de l’opinion — la baisse des prévisions de croissance 2,6 % en septembre, 1,3 % en mars, et à vrai dire même ce chiffre semble encore délirant d’optimisme, non pas seulement du fait de la conjoncture mondiale mais du fait des problèmes non résolus de la France dans le contexte du retournement de conjoncture amorcé dès l’automne 2000.

Bien entendu, tout cela est de la faute des méchants Américains et des maudits Zinglais. J’oubliais l’ultralibéralisme, les fonds de pensions et la mondialisation.

Le problème de ce discours est qu’il s’adresse aux secteurs les plus crédules de l’opinion et que ces secteurs sont eux-mêmes en crise.

Le peuple français est moins niais que ne le croient ses ineptes dirigeants. Et surtout il est de moins en moins syndiqué.

M. Fillon réunit donc les partenaires sociaux. En principe, c’est une bonne idée. En gros elle remonte à 1922 et à un certain président du conseil italien, un peu oublié. Ce que ce brave homme, ancien journaliste socialiste, injustement décrié, appelait corporatisme d’État est devenu dans notre langage actuel le paritarisme.

Tout cela avait été inventé pour contrebalancer la lutte des classes et pour intégrer les syndicats dans l’État.

Mais entre temps, après 80 ans d'Histoire de l'Europe, le résultat a été si remarquable en France que les 7 syndicats réunis par M. Fillon représentent additionnés en réalité à peine 7 % des salariés du privé. Inutile de dire, sur certaines questions essentielles, qu’ils sont en rivalité permanente et que leurs dirigeants sont issus de la fonction publique, des personnels à statut (Thibault de la SNCF) ou du syndicalisme étudiant (Blondel de l’UNEF via la MNEF).

7 à se partager 7 %,

M. Fillon et ses 77 principaux collaborateurs peuvent donc se réunir et calculer en comité ce que désormais pèse une centrale syndicale moyenne en France . Le résultat est: pas grand chose… (1) Le paritarisme est donc devenu lui-même cause de crise. Il génère automatiquement une certaine forme de gestion des problèmes aboutissant à des solutions obligatoirement fausses. Ainsi, l’indemnisation du chômage confiée à l’UNEDIC, ainsi les caisses sociales incapables de se mettre à l’heure de la capitalisation, ainsi l’évolution du Code du Travail, les accords de branche, etc.

Il n’y a pas besoin d’être Einstein pour comprendre cet apophtegme d’Einstein : "Vous ne résoudrez aucun problème avec ceux qui les ont créés".

Il est vrai que ce "vous" s’adresse au peuple, pas aux énarques. Car les énarques et les inspecteurs des Finances sont eux-mêmes un problème de la France, comme l'est le paritarisme.

C’est peut-être pour cela que les énarques font si bon ménage avec les bureaucraties syndicales.

JG Malliarakis

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(1) Simone Veil le disait naguère : quand on représente 1% on va se coucher.

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