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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 24 MARS 2003
EST-IL VRAIMENT SÉRIEUX DE CHIFFRER LE DÉSASTRE DUNE GUERRE ?
Alain Lambert: "la guerre peut être courte et bénéfique pour léconomie française".
Lune des raisons les plus évidentes de la décision historiquement terrible de Nixon et de Kissinger de mettre fin à la guerre du Vietnam était sans doute le coût humain non moins terrible de cette guerre qui fît 58 000 morts dans les rangs de larmée américaine. En 1993, 20 ans après la vietnamisation, les Américains se retirèrent de Somalie après avoir perdu 18 hommes.
Entre temps avait été proclamé au printemps 1990 le temps dun monde sans conflit et en janvier 1991, lors de la première guerre contre lIrak, on avait propagé le mythe dune guerre sans morts. Depuis lors on sait, ou on croit savoir, que cette guerre aurait fait 500 morts chez les Occidentaux et 170 000 chez les Irakiens, chiffres susceptibles de vérification et dévolution.
Mais, outre lhorrible chiffrage humain, il y a le délicat problème du chiffrage économique et financier.
M. Alain Lambert, brillant sénateur-maire dAlençon, dont on a fait un discret ministre délégué au Budget, déclarait ainsi le 18 mars (1) que "la guerre pouvait être courte et bénéfique pour léconomie française". Tout est évidemment possible, notamment si lon chiffre leffet de la baisse du cours du pétrole lui-même comptabilisé en dollars dévalués.
Reconnaissons dailleurs que sur de tels terrains les chiffrages sont toujours contradictoires. Une étude assez remarquable de lInstitut Polytechnique de Milan chiffrait ainsi le "gain" de la guerre 1990-1991 à partir de la hausse du prix du pétrole. Gains pour qui ? M. Lambert parle aussi de la volonté de revenir à léquilibre budgétaire pour 2007, volonté qui serait totale et, dit-il, "nous y parviendrons". Ce serait bien en effet si, par ailleurs, les moyens pour y parvenir sarticulaient avec une véritable décrue fiscale et sociale, etc.
Parmi les pertes de la guerre, il est plus simple de mesurer le coût considérable pour le Budget des belligérants. Le Budget américain, à la fin de lère Clinton était en excédent de 250 milliards (2), il a été voté pour 2003 en déficit prévisionnel de 307 milliards de dollars. Et devant le Congrès, le Washington Post annonçait le 23 mars, que la Maison Blanche évalue à 80 milliards de dollars le coût de la guerre contre lIrak. Il se peut que cette évaluation soit fantaisiste mais il se peut aussi, compte tenu de la réalité démocratique américaine, quelle le soit moins que les prévisions de croissance de "Bercy" sur la base desquelles a été évalué le Budget français pour 2003 au taux de 2,6 %. Aux États-Unis dans le débat politique rien nest plus disqualifiant que le mensonge avéré, un dollar est un dollar et 1 milliard de dollars est 1 milliard de dollars.
Bien entendu le chiffrage de la guerre ne se limite pas aux dépenses de lÉtat. Mais lorsque cet État sapprête inéluctablement à émettre pour quelque 400 milliards de dollars en une année demprunts obligataires, il va naturellement les soustraire à linvestissement productif. Et le fait que cela sera inséré dans une finance mondiale doit aussi être pris en considération.
Au chapitre du coût désastreux de la guerre, il faut toujours prendre en compte lapparition dhabitudes déficitaires. Les États deviennent alors des collecteurs dimpôts destinés à payer les intérêts de leurs dettes. LÉtat américain a les moyens dagir de la sorte mais le paradoxe est quil donne ainsi le mauvais exemple aux politiciens européens.
Ceci nempêche pas la hausse boursière de la première semaine de la guerre à Wall Street : la plus élevée depuis 20 ans. En janvier 1991 aussi, le début des bombardements (17 janvier) fut le commencement dune très forte hausse, durable des marchés financiers.
Cessons donc, sur ce point, de nous laisser prendre aux discours unilatéraux et aux chiffrages trop péremptoires des bureaucrates.
JG Malliarakis
(1) Intervention radiophonique sur BFM.
(2) Du fait de l'existence au Congrès depuis novembre 1994, d'une majorité républicaine conservatrice.
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