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BULLETIN QUOTIDIEN EN TOUTE LIBERTÉ

MERCREDI 26 MARS 2003

AUTOUR DES AVEUX DE LOÏK LE FLOCH-PRIGENT

L’opinion publique ressentirait un malaise profond et durable si seul Loïk Le Floch-Prigent devait payer…

Le procès Elf semble incompréhensible pour la plupart des commentateurs médiatiques. Mais il est probablement beaucoup plus clair dans l’esprit de l’opinion publique. Il apparaît tout simplement comme l’étalage d’une partie des détournements monstrueux d’argent public par la classe dirigeante de notre pays.

Or, ce procès, ou plus précisément l’audience du 25 mars au Palais de Justice aura permis à M. Le Floch-Prigent de libérer sa conscience et d’obtenir une partie du pardon pour ses fautes indiscutables comme ancien président de cette pompe à fric. Il a en effet avoué, et la chose a surpris, que, président d’Elf entre 1989 et 1993, il avait constitué un système mis en place, comme il dit, "par le général De Gaulle."

Sur ses détournements personnels, il n’y a pas lieu d’épiloguer et la justice se prononcera sur les abus de biens sociaux qui porteraient, selon l'accusation, sur 1,24 milliards de francs dont un appartement et les frais de son divorce pour des montants qui semblent astronomiques à un petit bourgeois comme l'auteur de ces lignes. Or, si colossaux que semblent ces détournements, ils sont au bout du compte économiquement peu de chose en comparaison du reste.

Le reste : c’est en effet le financement des partis politiques, de tous les partis, par une entreprise sous contrôle gouvernemental. Cette pratique est illégale mais elle et demeurée constante depuis 1945. Et, au delà des partis, bien évidemment aussi cela se traduit par l'enrichissement de la classe politique et des individus la composant.

La finance pétrolière sert donc à cela. Les fils du système ont été tissés dès l’époque de Londres par le colonel Passy puis par Pierre Guillaumat, fondateur des Pétroles d’Aquitaine, et organisateur des services spéciaux, dans l'immédiate après-guerre (1).

Cette pyramide financière explique bien des choses dans la politique française (2), car elle n’a cessé de dériver de Guillaumat en Le Floch-Prigent (3).

La dérive peut avoir été accélérée sous la (trop) longue présidence de Mitterrand car, entre 1981 et 1995, la France n’a pas cessé de s’effondrer. Loïk Le Floch-Prigent semble donc ici plus un témoin qu’un véritable acteur de cet effondrement et s’il est logique de le condamner pour les fautes personnelles qu’il a certes commises et qu’il reconnaît d’ailleurs, il serait insupportable de s’en tenir là et de le transformer en bouc émissaire.

Contrairement à ce que croient certains, l’opinion publique française le sent parfaitement. Et elle n’accepterait pas, ou plutôt elle ressentirait un malaise profond et durable, si seul Loïk Le Floch-Prigent devait payer pour un système dont on est bien obligé d’imaginer qu’il n’a probablement pas disparu.

Car c’est ce verrouillage qui, combiné au scandale, fait le plus gravement problème dans la société française. Si le champ politique du système est complètement investi par ce mode de financement illégal français toute l’omertà s’étend à l’ensemble des grands sujets de société, on appelle cela le règne du politiquement correct : c’est encore trop d’honneur pour un enrichissement immoral de ceux que Beau de Loménie appelait les Glorieux de la Décadence.

JG Malliarakis
© L'Insolent

 

  1. C’est par exemple ce même Pierre Guillaumat dont "on" imagina de faire à l'automne 1959 le ministre des Armées responsable du retournement de la politique algérienne. C’est contre ce virage, contre les déclarations du Général Massu à un journaliste allemand obscur, provoqueront littéralement l’épisode crucial des Barricades de janvier 1960, etc.. etc. Dans ces etc.., on n’oubliera pas l’affaire "géniale" des avions renifleurs.
  2. Même dans ce que certains appellent "l’amitié franco-irakienne", comment par exemple ne pas être tenté de soupçonner une dimension pétrolière qui gâche un peu le bon goût des mobilisations pour la paix. Il y a certainement l’équivalent en face, on n’en doute pas, mais d'abord chacun balaye s'il le peut devant sa porte. Et dans d'autres pays il ne s’agit pas d’intérêts d’États verrouillant effectivement le système politique.
  3. Et même en Phlippe Jaffré, "roi" des stocks options, en toute légalité.

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