Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...Accéder au Courrier précédent

COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 7 AVRIL 2003

QUAND MATTEI PARLE DE RÉFORMER LA SÉCURITÉ SOCIALE…

… il devrait commencer par reconnaître l’autonomie des Branches et la responsabilisation des Caisses

Ce 7 avril, paraissait dans le Figaro une étrange tribune du ministre de la Santé, M. Jean-François Mattei.

Dans la forme, cette opération de communication se compose de deux entretiens, d’un seul ministre, recueillis par trois journalistes, le Dr Martine Perez, Mme Martine Taupin et M. Jean de Belot.

Cette simple pluralité mérite à elle seule une réflexion.

On mélange à la fois ici la politique, l’économique de la sécurité sociale et la santé publique, domaines respectifs des trois rédacteurs.

Voisinent deux considérations.

1° Il nous faut "réformer la sécurité sociale pour la sauver". Cette affirmation demeure ambiguë et on va en mesurer le rôle ;

2° En filigrane apparaît la protection de Big Brother : "L’épidémie de pneumonie est très préoccupante". Subliminalement on joue sur la peur de la maladie pour renforcer le pouvoir de la technocratie.

Signalons aussi dès le départ une confusion courante entre sécurité sociale et assurance maladie. Dans le langage de tous les jours deux expressions sont utilisées comme vaguement synonymes.

Le professeur Mattei, sans être ni juriste, ni économiste, a suffisamment d’honnêteté intellectuelle pour préciser ainsi : "De 1998 à 2001, la croissance économique a permis d’équilibrer globalement la sécurité sociale voire même de dégager quelques excédents mais jamais, dit-il, l’assurance maladie n’a été en équilibre". Ce qui revient à reconnaître le distinguo.

Ainsi, le 15 mai, la Commission des comptes de la sécurité sociale doit se réunir. Elle sera sans doute présidée par le ministre de la Santé. Ce n’est pas si naturel que cela : l’assurance maladie semble proche de son domaine, mais on ne voit pas pourquoi le ministre de la santé intervient s’agissant des retraites des accidents du travail ou des allocations familiales. Cette bizarrerie a été inaugurée en septembre 2002.

Cette Commission des comptes de la sécurité sociale constatera un déficit global pour l’année 2002 du régime général incluant les retraites de base, l’assurance maladie et les allocations familiales à hauteur de 3,8 milliards d’euros.

Or, les comptes de la Branche Maladie, à eux seuls, font apparaître un déficit bien supérieur de l’ordre de 6,4 milliards d’euros.

L’un des avantages de la monnaie unique européenne est d’ailleurs de minimiser facialement ce chiffre qui est considérable. Et il s’aggravera bien évidemment en 2003. Le bon Dr Mattei prévoit un alourdissement du déficit de 2 milliards dû à une croissance de seulement 1,3 %. Nous serons évidemment très au-dessous de cette prévision optimiste de la croissance et de la sorte on peut prévoir que cette année le déficit de l’assurance maladie dépassera les 10 milliards d’euros.

À ce chiffre énorme, le Dr Mattei oppose des remèdes provocateurs tant ils sont dérisoires comme par exemple la politique du médicament générique. D’autres, qui sont des cautères sur une jambe de bois, relèvent de la médecine de caisse comme le déremboursement de certaines visites à domicile. Et, dans l’ensemble, on est en face d’un constat fataliste qui refuse de mettre en cause le monopole du système.

Sur BFM, le matin même de la parution de cet article à 7 heures, on a pu entendre que "le ministre n’écartait pas l’hypothèse d’une hausse de la CSG."

Dans le texte que nous avons sous les yeux, en effet, il ne l’écarte par, car il ne l’aborde même pas.

Rappelons que le 3 avril sur FR3, M. Jean-Pierre Raffarin a non seulement exclu une telle hausse, mais qu’il l’a anathémisée.

Le principe même de solidarité gouvernementale implique ici

- ou bien que le Professeur Mattei reprenne à son compte les propos du chef du gouvernement

- ou bien que l’un des deux démissionne.

L’affaire est évidemment à suivre.

Car la tentation d’un recours à la CSG, ou à une hausse des cotisations des salariés ou des entreprises doit être écartée clairement si l’on ne veut pas encore accroître les difficultés du pays, lesquelles sont structurelles et ne relèvent pas d’une simple "mauvaise passe", expression malheureuse mais bien significative de M. Fillon.

"Réformer la sécurité sociale" dit M. Mattei. Nous sommes là aussi pleinement d’accord puisque depuis 1992 nous écrivons presque quotidiennement sur ce thème, sans recueillir d’ailleurs un écho bien convaincant. Mais aucune piste de réforme en profondeur n’est sérieusement abordée par le ministre Mattei, ni pour ce qu’on appelle en France la Sécurité sociale en général, ni pour l’assurance maladie en particulier.

Même les quelques principes positifs de la Loi Veil de juillet 1994, telles l’autonomie des Branches et la responsabilisation des Caisses, sont volontairement oubliés.

Est-ce l’imagination ou le courage politique qui manque ?

C’est peut-être les deux.

JG Malliarakis

Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent

Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis • en souscrivant un abonnement