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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 10 AVRIL 2003

LE DEBAT SUR LE GUICHET SOCIAL UNIQUE EST REVELATEUR

Mais pourquoi diable est-il à ce point verrouillé ?

Le débat en cours sur le projet serpent de mer d’un Guichet social unique pour les travailleurs indépendants est, à bien des égards, révélateur des ambiguïtés de l’actuelle majorité comme des carences du débat public en France.

Tout d’abord, on redécouvre en cette occasion comment fonctionne la technocratie dans le système français instauré par le gaullisme en 1958. La majorité parlementaire s’incline toujours devant le gouvernement. Les ministres s’inclinent toujours devant les bureaux. Les fonctionnaires eux-mêmes s’aplatissent toujours devant les oukases des inspecteurs des Finances.

Au départ, la proposition du Guichet Social Unique était une idée (1) de la fraction relativement la plus "libérale" de la majorité UMP. Cette idée était soutenue, notamment, par l’actuel jeune secrétaire d’État aux PME, au commerce et à l’artisanat, M. Renaud Dutreil.

Le projet a contre lui les services du ministère des Affaires sociales et leur élégant porte-parole, orné du titre de "ministre". L’inepte M. Fillon se veut en l’occurrence l’interprète des personnels de l’Urssaf qui craignent que quelque 1 500 à 3 000 emplois soient ainsi transférés des Urssaf départementales aux caisses des indépendants.

Or, un rapport technocratique émanant de l’Inspection générale des Finances remis au gouvernement est tombé en date du 31 mars. Ce rapport intervient en pleine procédure parlementaire. Et il court-circuite la navette entre l’Assemblée, favorable au projet qui l’a adoptée en février, et le Sénat qui a voté contre ce 27 mars. Le rapport de l’Inspection générale des Finances est "contre", la cause est donc entendue. Roma locuta est causa acuta est.

Très probablement donc, par cette manœuvre, le Guichet Social Unique ne verra pas le jour. Et on peut faire confiance à nos médiats pour glisser à des sujets plus passionnants aux yeux des syndicats de journalistes.

Pratiquement, aujourd’hui les cotisations personnelles des travailleurs indépendants sont versées

- aux Urssaf pour un total de 8 milliards d’euros de cotisations dites ETI aux allocations familiales principalement

- à la Canam pour un total de 3 milliards d’euros de cotisations maladie

Quant aux cotisations vieillesse, elles sont réparties entre

- le réseau des caisses Ava pour les artisans pour 2 milliards d’euros,

- celui des caisses monopolistes Organic pour les commerçants pour 2 milliards d’euros,

- les caisses de profession libérales recueillant un peu plus de 3 milliards d’euros.

Le système de cotisations des agriculteurs peut paraître plus "simple" puisque pratiquement tout passe par la MSA corporatiste, "guichet unique" de plus de 5 millions de ressortissants sociaux de la ruralité. Or, le système loin d’être préférable, bien que "simple" est ressenti très douloureusement par les agriculteurs réels qui subissent le monopole de la MSA comme un maillage social très autoritaire de la France rurale, affreusement arbitraire quoique statutairement d’apparence "démocratique", comme peuvent le paraître les Chambres et les Caisses.

Le projet de Guichet Social Unique revient à établir dans chaque secteur social un maillage de même nature. Il est bien significatif d’ailleurs que le bureau de l’UPA, ait répercuté sur ce point l’inquiétude des professionnels de base en se déclarant hostile au projet.

Le président de l’UPA, M. Robert Buguet l’a dit à sa manière : "Le problème est de rendre un vrai service aux chefs d’entreprise et cela passe peut-être par la mise à plat du fonctionnement des organismes existants".

Nous disons à M. Buguet : Non, cela ne passe pas "peut-être par la mise à plat des organismes", cela passe en réalité par la mise en concurrence.

Cela passe par le libre choix des prestations assurancielles.

Hélas, dans notre pays, il semblerait que l’idée même de libre choix soit considérée comme scabreuse et inconvenante aussi bien pour les dirigeants politiques, pour les inspecteurs des Finances, pour les Syndicats de l’Urssaf, pour les permanents des organisations corporatives, et bien entendu, pour les salles de rédaction. Cela fait beaucoup d’adversaires de la liberté dira-t-on. Le débat n’en est donc que plus nécessaire et il est dommage qu’il soit à ce point verrouillé.

JG Malliarakis

(1) C’est selon nous une fausse bonne idée, cf. ci-dessous.

(2) L’Union Professionnelle des Artisans, passait jusqu’à une date récente pour une pâle et docile succursale du Medef et de la CGPME. Sous le gouvernement Jospin sa direction a pris une autonomie de façade en faisant cavalier seul sur la question des 35 heures et en se désolidarisant de la grève du paritarisme.

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