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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 15 AVRIL 2003
LES ÉDIFIANTS MÉCOMPTES DE GIAT-INDUSTRIES
Aux yeux de la classe politique et des syndicats, peu importe que meure la Défense nationale pourvu que lemploi dans les arsenaux demeure
Chaque jour qui passe voit son lot de mauvaises nouvelles pour les entreprises sous contrôle de lÉtat français. Après les désastres industriels de France Télécom, on apprend par exemple quEDF, groupe tout puissant, cétait le plus important cash-flow de lindustrie française il y a 10 ans, "inquiète fortement" désormais, officiellement, la Commissaire du Gouvernement, siégeant au Conseil dadministration. Celle-ci, Mme Michèle Rousseau, a encore fait part des mauvais résultats du groupe devant la Commission denquête parlementaire sur les entreprises publiques.
Mais sagissant de GIAT-Industries, on nest pas tout à fait dans le cas général des sociétés commerciales, tombées plus ou moins accidentellement ou idéologiquement dans le giron de lÉtat, du fait des nationalisations de la Loi de 1937 pour la SNCF, du décret dexpropriation de Renault en 1946 ou autres vagues de grandes conquêtes étatistes.
GIAT-Industries cest au contraire le résultat dune volonté tardive de normaliser lactivité économique des arsenaux et dintégrer les ventes darmes de lÉtat français dans un modèle mondial concurrentiel.
Ce 7 avril était donc annoncé un plan de restructuration du groupe et cette annonce a déclenché une immense agitation.
Or, en 15 années, GIAT-Industries en est à produire son 6e plan social. Cette expression reflète, comme on le sait, une situation économique peu reluisante. On annonce que le groupe qui emploie aujourdhui 6 250 salariés ramènera ses effectifs à 2 500 dans un délai de 3 ans.
Dans diverses villes où la présence de GIAT était une donnée traditionnelle de lactivité économique (1), on assiste à des levées de boucliers de protestation et nombreux sont les élus UMP à se joindre au chur des cégétistes. Il faut, à les entendre "refuser linacceptable". Cest le mot dordre. Et nombre de journalistes de faire chorus. Lindustrie de la défense doit demeurer imperturbablement immuable. Et chacun dentonner le refrain dune priorité à lemploi même sil est inutile. Pour ce seul 6e plan social, en effet, le président de GIAT, M. Vigneron, appuyé par le ministère de la Défense annonce quil consacrera 850 millions, alors que le chiffre daffaires du groupe est prévu en 2006 à hauteur de 450 millions (2).
Aux yeux de la classe politique et des syndicats, peu importe que meure la Défense nationale pourvu que lemploi dans les arsenaux demeure
Aux yeux de la classe politique et des syndicats, peu importe que meure la Défense nationale pourvu que lemploi dans les arsenaux demeure
Car les 2/3 du chiffre daffaires de GIAT étaient constitués par la vente du fameux Char Leclerc. Ce bon vieil engin remonte à des conceptions stratégiques vieilles de plus de 60 ans (3).
Économiquement, GIAT-Industries a systématiquement accumulé les erreurs de gestion et les pertes financières.
GIAT-Industries a réussi à perdre 91,6 millions deuros en 1992 en vendant des tourelles et des canons à la Turquie pour une valeur deux fois moindre.
GIAT-Industries a même réussi à perdre 1,3 milliard deuros lors de la fourniture de 290 chars aux Émirats arabes unis.
Pour lexercice 2002, GIAT est parvenu à perdre 118 millions deuros pour un chiffre daffaires de 303 millions. Ce déficit représente la bagatelle de 38 % du chiffre daffaires.
Hier au 2e rang mondial avec 18 000 salariés, GIAT-Industries na cessé de dégringoler.
Quand on compare cette situation avec celle de groupes privés à technologie de pointe, on découvre un immense gâchis dargent public.
Plus gravement encore, pour sauver GIAT on a surchargé la Défense française dun outil blindé périmé.
De plus, on peut se demander si une certaine politique étrangère nest pas elle aussi à la remorque de ventes darmes, qui se révèlent des ventes à perte. Il serait donc sérieusement urgent darracher lindustrie française darmement et la défense nationale aux jeux irresponsables des technocrates.
JG Malliarakis
(1) Comme Roanne, Tarbes ou Saint-Chamond.
(2) Cette prévision suppose une progression du chiffre des ventes darmes françaises de 50 % en 3 ans.
(3) On rappelle en effet que la théorie de la supériorité des blindés, sur laquelle un certain colonel De Gaulle fit sa réputation, sest trouvée largement infirmée dès la campagne de Pologne de 1939, la "division blindée" nétant présente quaprès une intense bataille aérienne (théorisée contre De Gaulle par le Général Estienne). Aucune des guerres postérieures à 1945 na vu le rôle du blindé, sur une bonne centaine de conflits, vraiment déterminant sur aucun théâtre dopération effectif.
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