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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 16 AVRIL 2003

COUR DES COMPTES ET RETRAITE DES FONCTIONNAIRES

Le bidonnage des chiffres est plus grave que les chiffres bidonnés

C’est le 15 avril, soit 48 heures avant sa remise officielle, que le rapport de la Cour des Comptes sur la retraite des fonctionnaires a été médiatisé par les soins du quotidien économique Les Échos. Nous sommes tellement habitués à ce genre de décalages, à la limite de l’inégalité organisée dans les affaires judiciaires, que nous n’y prenons plus garde. Dans l’esprit de ceux qui les organisent, ils ne sont pas fortuits.

Sur le fond, bien entendu, la situation de la retraite des fonctionnaires est scandaleuse à de nombreux égards.

Son statut d’ensemble, dont la réglementation remonte à 1853, permet notamment des interventions arbitraires et nous avions souligné (avant les autres, faut-il le préciser) (1), que M. Juppé, la veille même de son entrée en fonction comme président de l’UMP, bénéficiait d’un décret lui accordant une retraite aussi confortable que prématurée. Et le même homme se trouve à la tête du parti qui orchestre l’exploitation du légitime mécontentement contre ce genre de privilèges. Tous les autres cas ne sont que la déclinaison de cette situation et les magistrats de la Cour des Comptes peuvent en faire la démonstration sur autant de milliers de pages que la France compte de hauts technocrates.

Nous devons donc respecter le travail de la Cour des Comptes ; mais nous ne devons jamais nous méprendre sur la fonction d’un tel document de 280 pages.

Nous ne sommes absolument pas certains qu’il faille, par exemple, déplorer avec le rapporteur l’absence de gestion centralisée pour piloter une "organisation ancienne complexe", qui "fait appel à la coopération d’un grand nombre d’unités administratives, sans que s’exerce sur elles une autorité de conception et de commandement".

Nous ne sommes pas convaincus non plus qu’il faille dénoncer à sa suite les "importantes différences de traitement entre pensionnés", ni non plus regretter les fameuses promotions tardives dont le taux est, remarque la Cour avec dépit, très faible à l’Éducation nationale (8 %), mais élevé à La Poste (39 %), au ministère de l’Intérieur (31 %) et aux Finances (23 %).

Selon les corps professionnels, et l’armée n’est pas la poste, l’école n’est pas la police, le recours à ce système répond à des besoins différents, et pas seulement à la tradition.

La Cour des Comptes travaille dans le cadre d’une mission et en considération d’une logique qui est celle de la retraite par répartition.

Pour elle, comme pour la plupart des commentateurs, la question qui se pose est : est-il juste ou n’est-il "pas juste" de procéder à telle ou telle réforme arbitraire ? Par exemple, est-il juste ou n’est-il "pas juste" de prendre telle ou telle mesure individuelle ? D’allonger la durée de cotisations ou d’augmenter les taux de prélèvements ? De recourir à la CSG ? Etc..

C’est d’abord cette problématique dont il faut sortir.

C’est ce questionnement qui est faux et illégitime.

La retraite des fonctionnaires est tout de même un cas un peu particulier dans le cas des retraites dites de répartition.

Quand M. Fillon compare le manque à financer prévisionnel à l’horizon 2020 des retraites du secteur privé et des fonctionnaires, il compare 2 chiffres qui ne sont pas de même nature. Il manquera alors, nous dit-on, (2) 20,2 milliards d’euros pour les retraites privées de base et de 15,2 milliards d’euros pour les retraites de la fonction publique. Mais cette comparaison n’a pas de sens ! Car, dans le cas du secteur privé il s’agit d’une pyramide de caisses monopolistes, gérées en théorie par des administrateurs paritaires. Et, dans le cas du secteur public, il s’agit d’engagements contractuels pris par l’État.

Que M. Fillon, que les technocrates, que les journalistes se moquent entièrement des rapports de Droit, est précisément le premier scandale, celui qui explique et éclaire tous les autres.

Le bidonnage des chiffres est plus grave que les chiffres bidonnés.

Si la France recule, ce n’est pas "en raison" de taux de croissances insuffisants : ces taux sont la conséquence d’habitudes de spoliation de type quasi soviétique.

Le régime soviétique était pervers à 100 %, il a mis 70 ans à s’effondrer.

Le régime dirigiste français, pervers à 50 % depuis les années 1930, durera-t-il 140 ans ? Voilà la vraie question.

Soulignons aussi que ce régime, étant dirigé par les inspecteurs des Finances, cœur de ce qu’on appelle couramment et peut-être abusivement "l’énarchie", ce n’est certainement pas aux inspecteurs des Finances qu’il faut demander de le réformer.

Dès 1996, on pouvait remarquer que le Groupe Briet (3), chargé par Alain Juppé d’étudier les "perspectives à long terme des retraites" était composé exclusivement de fonctionnaires.

Tous les travaux émanant d’économistes indépendants sont écartés, occultés, ou tenus en suspicion.

C’est, là aussi, un de ces handicaps français les plus lourds, qui obèrent la perspective d’un redressement de la France et d’une redécouverte d’un monde plus conforme au droit naturel.

JG Malliarakis

(1) Voir notre Courrier du 30 décembre 2002 "30.12 Dans la hotte du Petit Noël des hommes de l’État : Alain Juppé, âgé de 57 ans est admis, sur sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite".

(2) par avance par le biais d’un calcul totalement arithmétique pour ne pas dire farfelu.

(3) Voir nos Courriers des libertés sociales du 23 septembre 1996 et du 22 septembre 1996.

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