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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 22 AVRIL 2003

LA SEULE DOCTRINE RÉALISTE POUR LE SYNDICALISME

est actuellement entravée par les technocrates entourant MM. Fillon et Delevoye

Le 4 avril dernier, dans son intervention un peu contradictoire sur France 3, le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, n’a pas seulement amené ses auditeurs à distinguer ses options économiques convaincantes de ses moyens d’action politiques qui se révèlent très limités.

Il a aussi assez nettement fait comprendre quelle tactique allait être la sienne dans les négociations sociales.

En gros, M. Raffarin et une bonne partie du gouvernement, comme du patronat, ont manifestement en tête d’opposer le réalisme de la CFDT aux blocages de la CGT et de Force Ouvrière.

C’est une tactique dont on ne peut pas dire qu’elle soit absurde, ni qu’elle soit bien nouvelle.

Elle a commencé dès le recentrage d’Edmond Maire au début des années 1980. Elle a continué avec Jean Kaspar. Et elle a véritablement pris son envol avec l’arrivée de Mme Nicole Notat au secrétariat confédéral de la CFDT. Elle pourrait prendre un nouvel essor avec son successeur M. François Chérèque (1).

Non seulement on doit l’espérer pour la globalité de l’économie française et des entreprises, mais encore on doit souligner qu’il s’agit de l’intérêt de tous les salariés, ceux du secteur public comme ceux de l’économie productive privée.

Saluons de ce point de vue une excellente formule que l’on doit à Mme Marie-Claude Kervella, secrétaire générale de la Fédération CFDT de la Fonction Publique. Elle annonce avec beaucoup de bon sens : "La CFDT sera extrêmement vigilante sur les contreparties". Cette vigilance sur les contreparties nous semble la seule doctrine syndicale réaliste. Le rôle des syndicats pourrait alors devenir extrêmement positif, en tant qu’interlocuteurs indispensables permettant d’adapter les contrats aux évolutions pratiques de l’économie et de la société.

Être vigilants quant aux contreparties des réformes, cela veut bien dire, à la fois que les réformes sont inéluctables aux yeux de la partie la plus consciente des syndicalistes français, mais en même temps que toute négociation consiste à échanger des éléments profitables aux deux partis.

Or, l’État, et l’étatisme, ne l’entendent absolument pas ainsi.

La volonté profonde des technocrates est de faire aboutir leurs réformes étatistes. Pour eux la négociation n’est qu’une fastidieuse formalité. Et, en matière de retraites, leur projet s’articule aujourd’hui en 38 propositions plus ou moins "négociables", plus ou moins raisonnables d’ailleurs. Ces propositions ont été dévoilées le 18 avril et elles ont manifestement déçu les syndicats réformistes. On en arrive à un choc "projet idéologique" contre "projet idéologique". Tous vont surenchérir pour sauver la répartition. Et certains vont en rajouter une couche comme les Verts qui avancent ce qu’ils appellent "31 pistes" dans un document fabriqué et voté entre la réunion du "Parlement des Verts", le 13 avril, et une pseudo concertation avec de pseudo syndicalistes militants d’extrême gauche, le 15 avril.

En déchiffrant ce passionnant monument d’épigraphie post marxiste, on découvre en effet 31 absurdités utopistes. Toutes ces 31 fausses pistes conduisent évidemment à une autre version de la paupérisation du système (2) en augmentant les cotisations et en alourdissant la charge fiscale hypocrite subventionnant l’assurance vieillesse.

En ne comprenant pas la saine doctrine syndicale énoncée par Mme Kervella, les technocrates qui entourent MM. Fillon et Delevoye font momentanément le jeu des éléments les plus obtus de la CGT et de l’entourage de Blondel. Ceux-ci, dès le 4 avril, faisaient scander "à la base" des slogans tendant à maintenir "les 37 ans et 1/2" pour tous, public et privé.

Pour les démagogues du syndicalisme de pépé, il n’y a pas de contreparties, il n’y a pas réformes, il y a seulement défense conservatrice des acquis.

C’est le même blocage aberrant qu’on retrouve dans les "31 pistes" des Verts avec "l’abrogation de la réforme Balladur de 1993".

Cette mayonnaise montera, tant qu’on en restera là. Et cela risque de s’accomplir au détriment de tous, jusqu’à ce que l’on réfléchisse enfin aux sorties possibles de l’actuel système contraignant (3).

Or, la réflexion sur la sortie du système ne peut se faire que dans un esprit de respect des contrats, des libertés et des épargnes.

Oui, le syndicalisme réformiste à un avenir possible, et souhaitable. Mais il n’est envisageable qu’à condition de suivre cette voie étroite mais légitime, à condition aussi que les pouvoirs publics ne l’étranglent pas au point de pousser non seulement la CFDT mais aussi la CGT et la Centrale des Cadres dans l’impasse d’un alignement sur la voie protestataire des cégétistes et des trotskistes.

JG Malliarakis

(1) qui, pour cela, souhaite faire atteindre le cap du million de syndiqués à la centrale, ce qui semble difficile une fois connus les chiffres décevants de l'année 2002

(2) La paupérisation du système à la sauce techno c’est l’allongement de la durée de cotisation. Il n'y quant aux principes guère de différence.

(3)… dont les racines sont autant à chercher dans la Charte du travail de 1941 que dans les Ordonnances gaullo-communistes de 1945.

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