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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 9 MAI 2003

À LA VEILLE DE L'AFFRONTEMENT PSYCHODRAMATIQUE DES BUREAUCRATIES

Est-il interdit de rêver un peu ?

Il peut paraître surprenant, 8 ans après le piège des grandes grèves de 1995, 6 ans après le discours d’investiture de Lionel Jospin de juin 1997, d’en arriver encore à une sorte d’épreuve de force entre syndicats et gouvernement à propos du système de retraite par répartition et de son inéluctable réforme.

Si on en arrive là, si le blocage des transports publics le 13 mai dégénère en blocage du fonctionnement de l’économie nationale, si le psychodrame de l’affrontement se développe, on peut certes mettre en cause l’archaïsme de la CGT et de Force Ouvrière, engluées dans leur stratégie de défense des acquis. On n’oubliera pas non plus de s’interroger sur les responsabilités personnelles de ministres comme Fillon et Delevoye qui n’ont finalement négocié sur rien, le but étant de faire passer leur plan technocratique en 38 principes devenant 82 articles d’un projet de loi qui seront à 95 % à prendre ou à laisser.

Si on prenait encore au sérieux les discours de campagne du candidat Chirac, on pourrait se souvenir que le mot d'ordre, très vague d’ailleurs, s'agissant de la future réforme des retraites serait de faire place au libre choix…

Enfin… Par libre choix, la propagande chiraquienne entendait non pas le choix entre retraite collectiviste par répartition et épargne personnelle ou professionnelle.

Il n'était question, en fait, que de l’âge du départ en retraite.

Donc, sur la base de telles promesses, il eût été fort simple de dire que la pension servie serait une fonction directe de la durée de cotisations, tout en laissant les Français libres soit de partir en retraite à 60ans, soit de continuer à travailler en les incitant à le faire en instituant une surcote.

Mais même un tel choix déplaît encore à nos technocrates et à tous ceux qui pensent que les Français sont des imbéciles, incapables d’épargner, paresseux, indisciplinés, rouspéteurs : la caricature ne fait pas peur à nos gouvernants qui, finalement, en restent encore à Astérix et à Babette s’en va-t-en guerre.

M. Fillon et M. Delevoye sont donc, sous des dehors bonhommes, demeurés dans le rapport sado-masochiste au mythe du pouvoir.

Tout n’est donc pas faux dans les solutions proposées. Dans le projet de loi, par exemple, une question essentielle est celle de l’indexation des pensions. Selon la modalité d'indexation adoptée l’espace de la réforme peut devenir très différent. Comment juger en bloc un projet en 82 articles sans tomber dans le simplisme.

La deuxième erreur de la réforme est de postuler qu’il faut sauver la répartition puisque, par hypothèse, si l’on en arrive là, c’est bien parce que ce système instauré par le gouvernement Darlan en 1941 est très largement en faillite 62 ans plus tard, probablement parce que les conditions générales de la société française et de l’économie mondiale ne sont plus tout à fait les mêmes.

Plusieurs scénarios concrets sont envisageables pour la sortie de crise et il serait ridicule aujourd’hui de faire des pronostics.

Peut-on émettre un souhait ?

Alors, on pourrait désirer un accord conciliateur entre les syndicats réformistes comme la CFDT et le Premier ministre, pour faire évoluer le projet Fillon vers une place plus grande accordée au libre choix et à la responsabilité personnelle des Français, reconnaissant par exemple que les cotisations versées appartiennent aux cotisants. (1)

Ce n’est, bien sûr, qu’un rêve.

Mais même si les Inspecteurs des Finances imaginaient pouvoir nous interdire de rêver, ils ne nous en empêcheront pas. Ils n’inspectent que les Finances et d’ailleurs ils ne les inspectent pas très bien.

JG Malliarakis

(1) Bien évidemment je rêve aussi d'une VRAIE réforme, celle que je propose dans mes deux petits livres disponibles sur les Retraites... Mais si on commençait par poser ce droit fondamental de propriété, tout pourrait changer.

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