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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 15 MAI 2003

LA GREVE THROMBOSE SANS PREAVIS EST ILLEGALE

Et le gouvernement a le devoir constitutionnel d'appliquer la loi.

Ah, comme il serait sérieux, comme il serait technocratique de passer en revue les 14 concessions faites en 10 heures de négociations par MM. Fillon et Delevoye, c’est-à-dire par l’administration anonyme du Ministère des Finances, à ses interlocuteurs syndicaux.

Ce serait peut-être sérieux puisque par exemple on a accepté de relever le pourcentage du SMIC attribué aux plus petites retraites de base.

On a accepté d’abaisser le niveau des décotes, lequel n’équivaut cependant pas celui des surcotes. Or, si l’on se réclame du libre choix, promesse du candidat Chirac (hi !hi !) la décote et la surcote doivent être égales selon que l’on prend sa retraite avant ou après l’âge de référence. Autre point écœurant du système de répartition, – sachant que M. Juppé a pris sa retraite à 55 ans, – d’imaginer que des gens qui ont commencé à travailler à 16 ou 17 ans puissent devoir cotiser obligatoirement un jour dans le système de répartition pendant près de 50 ans.

Il pourrait être intéressant d’approfondir ainsi, une fois de plus, les saletés et les joyeusetés du collectivisme, si nous étions dans une communauté libre fondée sur le Droit, utopie à la Proudhon. Quand on a rêvé de cette utopie dans sa jeunesse, on est assez bien armé pour savoir que la France actuelle n'est pas dans Proudhon, mais qu'elle se situe, aujourd'hui encore, dans l'héritage de Marx et Engels, fils et petits-fils de l’affreux Hegel, précurseur de Staline et du stalinisme édenté. On allait presque oublier que, si Thibault est issu du stalinisme, Blondel est issu du trotskisme.

Or, Blondel l’a encore dit et redit : lui et ses "potes", ainsi que la CGT, théoriquement majoritaire chez les agents de la RATP, voudraient pouvoir tout faire pour bloquer le fonctionnement pratique de notre pays. Blondel l'a déclaré dès le 13 mai au soir, faisant semblent de croire que les "assemblées générales de grévistes sont souveraines", prétention et manipulation révolutionnaire (1) par excellence.

Et ils ont commencé à le faire ce 14 mai à 6 heures du matin, avant même la réunion entre Fillon-Delevoye et les bureaucraties représentatives.

Alors pourquoi perdre son temps en détail juridico-technique ?

Dans une dépêche AFP datée du 15 mai à 15 H 40 on note que M. de Robien, ministre des Transports, soulignait lui-même que la grève sans préavis est illégale.

Or, le gouvernement a pour première tâche non pas d’élaborer de nouvelles lois mais d’exécuter la loi. C’est un devoir constitutionnel et c’est un rôle fondamental : il n’a pas le droit ni la possibilité morale ni politique de s’y soustraire.

Il aurait donc dû dès le 15 mai à 5 heures du matin

  1. réquisitionner les agents grévistes,
  2. interdire les piquets de grève aux dépôts d’autobus et aux terminus du métro, soit une trentaine de lieux en région parisienne
  3. rétablir de la sorte l’ordre public et la vie quotidienne des citoyens.

On a pu constater ou bien qu’il en était incapable ou bien qu'il envisageait de tirer un profit politique et psychologique du désordre insupportable créé dans la vie de tous les jours des Français.

Toute prétention à légiférer sur ce que sera notre système de retraites vers 2030 ou 2040 est donc dérisoire. Un État qui n'est pas capable de maintenir l'ordre légal en 2003 est-il en mesure de garantir pour 2033 l'avenir des Retraites qui seront servies aux gens à qui l'on ponctionne chaque mois une part importante du fruit de leur travail et que l'on empêche d'épargner et d'investir vraiment pour assurer leurs vieux jours ?

Or, le système bien connu de la prise des usagers en otages relève d’une stratégie bien précise. Elle était annoncée par Le Duigou au nom de la CGT dès 16 heures 30 à l’ouverture des négociations : n’accepter aucune concession, entraîner le front syndical, éclipsant les syndicats réformistes (CFDT, CFTC et CGC-CFE), dans une surenchère et un affrontement aboutissant

Au sein de cette stratégie, la tactique de la grève thrombose a été définie en France à l’époque des grandes grèves de 1968. Cette théorisation n'a pas été le fait de la CGT, qui était elle-même alors très majoritaire, mais par les groupes gauchistes. La grève thrombose est celle qui bloque le fonctionnement d’ensemble à partir de telle cellule gagnée à l’agitation extrémiste. Les maoïstes ont beaucoup travaillé dans ce sens, y compris aux Usines Renault (3). Le point crucial de la thrombose consiste à créer une situation insurrectionnelle artificielle à partir d’un secteur qui bloque physiquement tout comme les métros et autobus à Paris et les RER en Ile de France.

Ne pas avoir fait immédiatement face à cette subversion, ne pas l'avoir brisée physiquement et ne pas avoir osé la dénoncer devant une opinion populaire hostile à ce genre de grèves est une faute supplémentaire de nos gouvernants.

JG Malliarakis

(1) C'était déjà un des mécanismes essentiels de la Terreur jacobine.

(2) Le dernier congrès de la CGT qui a réélu Thibault secrétaire général, avec un pourcentage à la Saddam Hussein, a nettement montré que la préoccupation de la centrale était, avant tout, de reconquérir sa suprématie syndicale sur la CFDT.

(3) L'Historique du syndicalisme dans le cadre de la régie Renault à partir du décret expropriateur de 1946 représente un développement très important qui dépasse le cadre de cette chronique. Sur la question des grèves minoritaires, on peut dire que, dès les grèves de 1947 les trotskistes de la Régie avaient préfiguré cette tactique tendant à obliger alors la CGT à entrer dans l’action. Mais il ne s'agissait pas encore de grève thrombose.

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