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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 21 MAI 2003

LES DEBATS POLITIQUES SUR LES TRANSPORTS RELEVENT DU PERE UBU

On dirait qu'ils font les délices du vieux routier Robien

Dans le système constitutionnel instauré en 1958, en France, l’Assemblée nationale n’a aucun pouvoir. Elle n’est plus rien. Sans doute la soupe y est-elle bonne, même pour les gros pigeons du quartier qui n’en picorent que les miettes. Mais nos députés ne sont plus que de coûteuses assistantes sociales.

La séance du 20 mai au Palais-Bourbon en a administré une démonstration supplémentaire. On y a discuté de macrodécisions structurantes pour l’aménagement du territoire. En clair, on a évoqué les futurs tronçons d’autoroutes et les lignes supplémentaires de TGV.

Le moment était certainement bien choisi pour parler des transports à l'assemblée, puisque la CGT et Force Ouvrière annonçaient le même jour une grève à la SNCF le 2 juin et à la RATP le 3 juin, si le gouvernement ose adopter le 28 mai un projet de loi ne concernant pas les salariés de ces deux entreprises à régimes de retraites spéciaux.

L’attention du grand public ne s’est donc pas passionnément portée sur le projet de TGV Lyon-Turin, dont l’Italie exige la réalisation, ni sur celui du TGV-Est, absolument désiré par nos voisins et amis d’Outre-Rhin. Bien entendu, les députés des départements alpins trouvent Lyon-Turin indispensable ; les députés alsaciens ne conçoivent pas que Strasbourg soit démuni de son beau train ; et aucun député breton digne de ce nom n’acceptera non plus l’idée que le Paris-Brest demeure à l'état d'une symbolique pâtisserie.

Tous ont certainement raison. De même pour les nouveaux tronçons d’autoroutes, moins spectaculaires, mais combien utiles sur place.

Tous contreviennent d’ailleurs à la théorie constitutionnelle de notre démocratie selon laquelle les députés à l’Assemblée nationale sont les représentants du pays tout entier et non de la circonscription qui les a élus.

Mais personne ne s’interroge vraiment sur la pertinence du concept même de choix publics d'une telle nature. Et pourtant, en définitive, on demande à l’État de financer des projets qui, en bonne logique, s’ils sont utiles doivent trouver un financement d’entreprise en fonction de leur rentabilité intrinsèque.

Bien entendu, personne ne parle jamais de la rentabilité du merveilleux TGV Paris-Marseille. On l’a cependant effectivement construit. On chante régulièrement ses louanges, mais, dans les psalmodies de celles-ci, on dirait que les chiffres importent peu. On se demande même si la direction de la SNCF est capable d'inciter les 200 polytechniciens de ses services centraux à se livrer à cet exercice de comptabilité analytique, consistant simplement à comparer le tronçon Paris-Lyon et son prolongement vers la Méditerranée, leurs coûts de construction, leurs recettes annuelles et les frais annuels correspondants.

Comment, dans de telles conditions, prétendre imposer à un projet Paris-Brest ou Lyon-Turin ce qu’on refuse de faire pour un existant Lyon-Marseille ?

Ne croyons pas que cette absurdité remonte à la loi de nationalisation de la SNCF en 1937 sous l'inoubliable gouvernement Chautemps. Elle remonte au plan Freycinet de 1877-1879, à partir du moment où l'on est entré dans un schéma de subvention systématique à des lignes de chemin de fer qui n’avaient aucune justification économique mais seulement une dimension électorale.

L'historien Emmanuel Beau de Loménie, dans ses indispensables "Responsabilités des Dynasties Bourgeoises", a démontré à vrai dire comment aussi bien la SNCF nationalisée depuis 1937 que les compagnies subventionnées depuis 1877 ont servi les intérêts à court terme des fournisseurs de l’industrie ferroviaire.

Et cela continue avec les concessionnaires d’autoroutes.

Il serait temps de prendre conscience de la nocivité et aussi de la perversité de toute cette économie administrée.

M. de Robien, vieux routier du système, a cru tirer argument de la rareté des capitaux publics pour s'arroger au nom de l'État central la fonction d'arbitrer les différentes demandes d’allocations planifiées dans les 10 ou 15 années à venir.

Il manque, nous dit-on, 15 milliards d’euros : il manque en réalité beaucoup plus puisque la France étatique se trouve en état de surendettement et de déficit.

À la vérité, cependant, il n’y a strictement aucune raison d’injecter de l’argent public ni dans le réseau ferré archi déficitaire ni dans le réseau routier archi-rentable Le dernier prétexte serait de justifier les travaux de la DATAR et les surenchères des parlementaires.

Les débats sur les infrastructures de transports ne relèvent donc plus que du Père Ubu, à moins que ce soit du Père Staline. Eh bien ce cirque doit quitter la ville.

JG Malliarakis
© L'Insolent

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