COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 23 MAI 2003
POURQUOI LES SYNDICATS AGRICOLES NE REPRESENTENT-ILS PLUS RIEN ?
sur toute la France 2 fois moins que les syndicats de fonctionnaires sur les Bouches-du-Rhône
En dautres temps, le Congrès des Jeunes Agriculteurs qui vient de se tenir à Vannes du 19 mai au 21 mai eût fait lobjet dun traitement médiatique beaucoup moins fugace. Et si nous avons pu entendre son président, M. Jérôme Deprey, tonner contre lultra-libéralisme et le groupe de Cairn, cétait seulement sur le réseau des RCF le 22 mai et même lAFP a dédaigné couvrir lévénement dans ses sélections de dépêches quotidiennes.
Pourtant les syndicats agricoles, la puissante FNSEA en tête, mobilisent au moment même où tout le monde de la fonction publique (1) se met en branle. La grande journée est annoncée pour le 26 mai, contre la réforme de la Politique Agricole Commune.
Tout cela est sans surprise.
Mais, ô surprise, cette grande journée, où la puissante FNSEA recevra tout le concours des Jeunes agriculteurs, nest prévue quà hauteur de 5 ou 6 000 participants dans 4 régions, chiffres annoncés par les organisateurs eux-mêmes (2).
À peine 20 000 personnes sur toute la France, cest-à-dire deux fois moins que ce que les syndicats denseignants et de fonctionnaires parviennent à réunir sur le seul département des Bouches-du-Rhône ou sur la Haute-Garonne.
Malgré leurs entrées à lÉlysée, où ils demeurent les interlocuteurs privilégiés du président Chirac, après avoir été ceux du candidat Chirac et même du maire de Paris Chirac, les gens de la puissante FNSEA ne représentent donc pratiquement plus rien.
Enfin Rien Ils siègent encore dans les structures du Crédit Agricole, dans les Chambres départementales dAgriculture et surtout dans les organismes répartiteurs de subventions.
Mais ils ne sont même plus dominants dans les conseils municipaux des villages où, de plus en plus, les "rurbains", les actifs non agricoles et les retraités, sans même parler des propriétaires de résidences secondaires sont en passe de prendre partout la majorité.
La raison en est extrêmement claire : le nombre des installations effectives dexploitants agricoles dans notre pays est passé annuellement au-dessous de 6 000, exactement 5 800, alors quil y a 5 ans, certains espéraient encore le voir se maintenir à un étiage de 10 000.
À ce rythme, la France tend vers quelque 250 000 exploitations agricoles sur lensemble de son territoire métropolitain soit environ 7 ou 8 agriculteurs par village, + 4 ou 5 épouses dagriculteurs travaillant à la ferme, + 3 ou 4 salariés agricoles en moyenne.
Cette évolution devrait remettre en cause à moyen terme toutes les organisations, structures, dispositions institutionnelles remontant à lépoque où la France était agricole à 56 %, au début du XXe siècle, puisquelle ne le sera plus, en ce commencement du XXIe siècle, quà 1 ou 2 %, et la France rurale elle-même à peine à 5 %.
Les changements qui en résulteront dans les mentalités seront considérables. Aujourdhui encore les petits-fils de paysans sont très nombreux. Ils deviennent une rareté.
Mais le plus intéressant est dobserver que le chiffre vers lequel on tend en France est à peu près identique à celui de la Grande-Bretagne, et même inférieur, alors que tout le système français a consisté à subventionner, aider, encadrer, chouchouter, exalter lagriculture, de Philippe Pétain à Jacques Chirac, en imaginant sauver les racines paysannes de la France.
Léchec est dautant plus cuisant en comparaison des Maudits Zainglais que tout le Royaume-Uni, Highlands dÉcosse comprises, représente à peine la moitié du territoire français. Autrement dit, au km2, lAgriculture britannique dénoncée comme ultra-libérale conservera deux fois plus dexploitants que lAgriculture française subventionnée, protégée, encouragée, etc
Pour tout économiste sérieux, les raisons en sont assez claires.
Elles vont cependant à rebours de la pensée unique française.
Ce clou nous semble mériter dêtre enfoncé.
JG Malliarakis et André Savès
(1) Faut-il alors parler de fonction publique "non agricole" et considérer les agriculteurs comme des fonctionnaires ?
(2) à Laval, avec Jean-Michel Lemétayer, président de la FNSEA, à Saint-Etienne, Montauban et en Moselle où viendront aussi des délégations d'agriculteurs belges et allemands.
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