COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALESLUNDI 26 MAI 2003
ENTRE LE PLAN FILLON ET LA CGT
Il est temps pour la France de sortir du choix binaire
La réalité des manifestations de ce 25 mai à Paris essentiellement, où les syndicats avaient tenté de mobiliser le plus gros de leurs troupes, cest objectivement une stagnation de la contestation. Les évaluations crédibles, tous cortèges confondus, Paris plus Province, donnent environ 360 000 manifestants pêle-mêle contre la réforme des retraites et la décentralisation de certains personnels de lÉducation nationale.
Point fondamental : malgré les moyens considérables mis en uvre, il nest pas vrai que les syndicats du secteur privé soient parvenus à mettre coude à coude avec les fonctionnaires, les gens qui depuis 1993 savent que leur retraite ne sera plus à 60 ans et ne sera pas calculée aussi confortablement que dans le secteur public. La CGT mène une bataille darrière-garde. Elle le sait parfaitement et il semble significatif de voir que les déclarations de Bernard Thibault sont moins répandues après le défilé de ce dimanche pluvieux de Triste Fête des Mères quavant.
On ne doit pas confondre le constat avec un quelconque pronostic sur lavenir des conflits en France. En particulier la tactique de la CGT est aujourdhui de rassembler tous les éléments durs du syndicalisme, tous ceux qui refusent la mondialisation et le libéralisme. Ainsi, elle peut parfaitement parvenir à un de ses objectifs qui est de reprendre la première place à une CFDT stigmatisée comme réformiste, y compris par la presse et par les grands médiats (1) .
On ne peut pas affirmer non pus que M. Fillon ait la majorité des Français en sa faveur. Si, de plus en plus, évidemment, une majorité de Français a compris quune réforme des retraites est inéluctable, et cet état de lopinion réelle est observable à de nombreux indices, il est très peu établi que le plan Fillon ait convaincu encore de son efficacité, 7 ans après ladoption par ordonnances en 1996 du plan Juppé.
Le succès pour lassurance vieillesse sera probablement comparable à ce que lon a pu mesurer pour lassurance maladie.
On ne ralentira leffondrement du système de répartition que pour quelques années seulement.
En profondeur, les Français le savent et il nest absolument pas prouvé que le recours, après trois mois et 10 heures de négociations sociales traditionnelles, à la procédure parlementaire soit convaincant pour le peuple puisque de toutes manières les 399 députés UMP sont là pour réduire cette procédure à une simple formalité. Lastuce crispatoire de MM. Fillon et Juppé ne trompe pas grand monde.
Quant à la tentation dune procédure référendaire, elle vaut ce que vaut la réforme. Au moins face à un référendum les blocages syndicaux et les pressions du parti socialiste et du parti communiste seraient ramenés à leur vérité. Mais en face dun choix binaire et autoritaire, celui de dire oui ou non, en bloc, aux 38 principes, 82 articles et 14 amendements du projet Fillon la (relative) catastrophe dun rejet pur et simple nest même pas à exclure.
Pour un partisan du libre choix, par exemple, il serait alors aussi difficile daller voter oui que de mêler son opposition à celle des socialistes et des communistes.
Il est significatif par ailleurs que le parti socialiste (2), ovationne désormais le secrétaire général de la CGT non seulement sur le dossier mais globalement comme son plus naturel partenaire.
Ceux qui voient un virage libéral au PS dans la mainmise de François Hollande doivent bien mesurer dans quelle voie est en train de sengager cette petite gauche essoufflée et désarçonnée depuis sa déconvenue davril 2002.
Il semblerait presque que lon en soit revenu, il y a bientôt 40 ans en arrière; C'était le temps où les Français se trouvaient perpétuellement devant le choix restreint : ou bien les équipes technocratiques verrouillées par la Ve République, ou bien une gauche impunément adossée à limperturbable pénétration de lidéologie marxiste.
Ce faux choix nous ruine depuis 40 ans.
Il faut en sortir.
JG Malliarakis et Jacques Saint-Bertrand
(1) Ceux-ci sont rédigés par les gens qui, dans le meilleur des cas, nont pas compris grand-chose.
(2) Contrôlé par le très mou François Hollande maître de 86 fédérations sur 102.
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