COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALESMARDI 27 MAI 2003
LA FRACTURE SOCIALE VUE PAR "LE MONDE"
Ce qui intéresse M. Colombani ce nest pas le social, cest le politique
Pas une fois M. Colombani nemploie le mot "fonctionnaire".
Dans son éditorial du quotidien de la pensée unique, le Monde, daté du 27 mai, M. Jean-Marie Colombani, prend méthodiquement et hypocritement parti contre le gouvernement. Cela nétonnera personne. Pour lui, ce sont les ministres, ou plus exactement M. Raffarin et le président de la république (1) qui portent, seuls, la responsabilité de laffrontement en cours sur le dossier des retraites.
Passons sur ce paradis perdu que furent "les 3 premières années du gouvernement Jospin". Passons sur le tableau politique catastrophiste des 3 avènements de Jacques Chirac en 1974, 1988 et 1995. On se situe dans le registre assez mécanique dune gauche politiquement sectaire.
Le débat est sans intérêt pour limmense majorité des Français qui se préoccupent en ce moment de leur vie quotidienne et de son pourrissement, qui va résulter des grèves de transports publics et de léducation nationale.
La grève des services fiscaux, ils sen foutent et, parfois même, ils sen félicitent. Le bac des grands, la garde des petits, laller-retour bi-quotidien alterné boulot-dodo, voilà la question du moment.
Cest plutôt dans son analyse du social que le quotidien de la pensée unique donne franchement sa mesure. Un instant on pense que M. Colombani va sintéresser au réel quand il parle des "classes moyennes, des employés et des ouvriers en somme ces catégories sociales qui forment le socle central de la société française". Hélas, cest pour dire une niaiserie. Selon lui, "depuis 1983, ils sont toujours sommés de sadapter et portent leffort essentiel de la collectivité".
Pourquoi "depuis 1983" ?
Parce que le ciel a cessé dêtre bleu, il y a exactement 20 ans, quand léchec patent du gouvernement Mauroy est devenu une évidence, et que Mitterrand a renvoyé les ministres communistes.
De même, "les 3 premières années de Jospin" sont celles où la délicieuse Mme Aubry bidonne les prétendus emplois-jeunes, où elle jette les bases des 35 heures avant de tirer sa révérence devant la crise qui vient : ce qui intéresse M. Colombani ce nest pas le social, cest le politique et les catégories sociales dont il parle lisent très peu le Monde.
Or, cet éditorial est intitulé "la fracture sociale", allusion à la fameuse campagne chiraquienne de 1994, inspirée en partie par Emmanuel Todd.
Pas une seconde non plus, sur un texte de 3 pages, M. Colombani nemploie le mot "fonctionnaires".
Le mot "fracture sociale" ne correspond chez lui qu'à un jeu dialectique dont il se sert pour faire une affichette placée devant tous les kiosques NMPP de Paris. Mais la réalité de cette fracture ne le préoccupe pas le moins du monde.
Elle existe pourtant. (2) Et la question des retraites, des régimes spéciaux, des calculs de pension, etc. nest quun aspect de cette fracture bien réelle, un chapitre parmi tant d'autres.
M. Colombani nen a cure.
Pour M. Colombani, comme pour la CGT, comme pour les communistes, les privilégiés du secteur public sont légitimement habilités à parler au nom des pauvres, au nom des chômeurs, au nom des précaires. Les bénéficiaires actuels de la retraite à 55 ans ou à 60 ans donnent aussi, dans le raisonnement, des leçons de morale aux jeunes qui cotisent pour eux.
M. Colombani nous assure même une intéressante précision : la CGT, à lentendre, est devenue "réformiste" (3). Et dire que Jean-Pierre Raffarin na pas su saisir cette occasion unique ! Vraiment quelle déception !
Cet éditorial, diffusé parmi les lecteurs du Monde cest-à-dire dans la classe politique et technocratique, intervient en effet à la veille dun affrontement bien significatif contre une technocratie réformiste et des blocages dont M. Colombani se refuse à prendre en compte fût-ce par la présence dun point-virgule dans son article, tout entier complaisant à lendroit des profiteurs de létatisme.
"Fracture sociale", dites-vous ?
Cette fracture oppose bel et bien les gens dont Le Monde est une sorte de lecture liturgique incantatoire et ceux qui tissent pour eux ces chasubles dor comme au temps où les canuts lyonnais le disaient aux grands de la terre et aux princes de lÉglise chantant Veni Creator...
JG Malliarakis
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