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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 19 JUIN 2003

L’EFFONDREMENT DE LA CROISSANCE FRANÇAISE

Au-delà du problème économétrique, elle va engendrer un vrai conflit au sein de l’Europe monétaire. M. Trichet pourra-t-il sereinement être juge et partie ?

On se congratule à Paris, ce 18 juin, de la décision heureuse pour M. Trichet tendant à le relaxer dans le dossier du Crédit Lyonnais. Et chacun de pronostiquer maintenant son accession, annoncée par les médiats parisiens, pour septembre, à la tête de la Banque Centrale Européenne. Exit Win Duisenberg, place, nous dit-on, au "candidat de la France"…

Or, les incertitudes, pour parler euphémiquement, autour de la croissance française vont bientôt engendrer une vraie crise de l’Europe monétaire et il sera intéressant alors de voir si, devenant gouverneur de la BCE, l’ancien directeur du Trésor français serait capable d’arbitrer objectivement la situation.

Au départ, les anticipations sur la croissance du PIB français ont eu les apparences d’un vaudeville de technocrates. Rappelons qu’en septembre 2002, les prévisions officielles du Ministère des Finances du Quai de Bercy proposaient une loi de finances pour 2003 assise sur une prévision de croissance du PIB de 2,6%. Soulignons qu’il est devenu d’usage de considérer que les recettes fiscales et celles des caisses sociales sont une fonction directe du produit intérieur brut. Si l’activité augmente de x%, on présume que l’État verra, grosso modo, ses diverses recettes du même pourcentage. Cette approximation est tout à fait discutable face à certaines évolutions, par exemple celles des usages de consommation. La taxation des cigarettes n’engendre des recettes pour l’État que dans la mesure où elle demeure légale. La contrebande, en plein développement, ou le cannabis ne rapportent rien à la puissance publique. De même , si les Français achètent moins d’habillement à 19,6% et plus d’alimentation à 5,5% de TVA. De même, s’ils roulent moins en voiture, la Taxe intérieure sur les produits pétroliers cessera d’être la plus brillante ressource de la république.

Reste évidemment que, pour l’équilibre à court terme des finances étatiques françaises, la baisse des prévisions de croissance est la question la plus déterminante et la plus préoccupante.

Nous l’avons plusieurs fois souligné : depuis les 2,6 % avancés contre toute vraisemblance en septembre 2002, ces prévisions ont régulièrement diminué de 0,2 par mois. D’instituts officieux en directions du bidonnage d’État, de consensus keynésiens en organismes intergouvernementaux, on en est ainsi arrivé en juin 2003 à professer désormais que le taux de croissance de l’économie français serait désormais, pour l’année en cours de 0,8%. Le Medef dit prudemment 0,7 : c’est peu dire que de considérer que,de la sorte le Medef est plus près de la réalité. Car rien ne nous dit que la France ait vocation à bénéficier plus particulièrement qu’un autre pays de la reprise aux États-Unis ou de la reconstruction en Irak.

Le principal client de la France c’est l’Allemagne et elle se porte mal.

Tous les calculs des technocrates sont faux, mais ils comportent une part de réalité.

D’une part il apparaît que depuis 10 ans la croissance tendancielle de l’économie française est en moyenne de 2 %, ce qui signifie que chaque année elle est en recul de 1 % par rapport aux États-Unis – ne parlons même pas des pays émergents …

D’autre part, pour la troisième année consécutive, la France va dépasser le taux de déficit maximal de 3 % prévu par le pacte de stabilité signé en 1997 en marge du Traité d’Amsterdam et en vue de l’Union monétaire.

Après des kilos d’avertissements, de notes motivées, de solennelles remontrances et de parénèse, il est prévu qu’une amende de 0,3 ou 0,5 % du PIB puisse être infligée à l’État récalcitrant. C’est énorme : cela correspond grosso modo au financement direct d’État des opérations HLM…

On se demande très franchement si des technocrates français – au hasard, un homme comme Trichet – pourront être alors objectivement juge et partie dans cette confrontation au sein même de l’Europe monétaire.

Jean-Gilles Malliarakis et Jacques Fousseret

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