COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 10 JUILLET 2003
LINCOHÉRENCE DES INSTITUTIONS DANS LA CRISE FRANÇAISE
Ce 10 juillet au matin, une partie de la presse semblait sétonner de la réserve du chef de lÉtat face à lagitation de la CGT-spectacle. Le matin même, en effet, on apprenait que le 57e Festival dAvignon, mais aussi le Festival dAix-en-Provence étaient annulés. La veille au soir, il est vrai, le président bonapartiste de lAssemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, avait exprimé le fond du sentiment de son protecteur en accusant le MEDEF davoir pris la responsabilité de déclencher la crie.
Cette interrogation des journaux quant au silence du chef de lÉtat est beaucoup plus bruyante quelle ne le fut pendant les deux longs mois de discrétion totale du même personnage cependant que la France entière était menacée de grève générale. On a attendu le 12 juin pour entendre M. Chirac sexprimer non sur la grève thrombose de la SNCF et de la RATP, autrement plus grave que lannulation des festivals, mais pour se féliciter du soi disant civisme des enseignants laissant se dérouler les épreuves du baccalauréat.
La raison de lirritation de M. Chirac, qui avait surpris dès le 2 juillet les participants du Conseil des Ministres, tient à nouveau à la contradiction entre la politique étrangère quil mène à titre personnel et la politique économique que cherche à mener son gouvernement.
Faut-il analyser les raisons véritables de la politique extérieure actuelle ? Sans doute évoquera-t-on un faisceau de circonstances, dont certaines tiennent à des raisons strictement intérieures, les conditions de son élection se conjuguent avec les motivations de son désir dun 3e mandat en 2007. Les mauvaises langues observeront quune telle hypothèse lui assurerait une immunité pratiquement définitive. Acceptons de tenir tout cela pour subalterne en remarquant tout de même que lÉlysée persiste et signe sur la plupart des dossiers où on la vu sengager sur la scène internationale des derniers mois.
Au contraire, la tendance dominante de léquipe gouvernementale autour de MM. Raffarin et Sarkozy est de jouer une musique infiniment plus adaptée aux réalités de la société française et à ses besoins dévolution.
Si M. Debré voulait bien prendre la peine de lire les textes daccords sur la réforme du régime UNEDIC du Spectacle ou ceux aboutissant au texte que son assemblée a voté le 3 juillet en première lecture, il verrait que le MEDEF nest pas seul partie prenante. Il constaterait par exemple que la CFDT, forte de 850 000 adhérents ou la CGC de M. Cazettes, sont signataires.
Il pourrait enregistrer aussi le fait que lOCDE, dans un texte du 8 juillet ou le FMI, le 7 juillet, sinquiètent, autant que la Commission européenne, non seulement des déficits publics des finances françaises, mais aussi des archaïsmes de la France, par exemple en matière de salaire minimum et du coût du travail.
Ce 10 juillet on se glorifiait sur France Culture dune prétendue victoire française sur le terrain de lexception culturelle. Les représentants de lÉtat français ont obtenu en effet, le 9 juillet, lintroduction dune clause unanimiste sur ce terrain dans le projet de Constitution européenne quon commencera à discuter à Rome mi-octobre et qui avait pourtant été remis, sans ce projet de clause, au Conseil européen de Thessalonique.
Lagitation internationale factice et brouillonne de MM. Chirac et de Villepin est en effet une chose, la réalité, la vie quotidienne, les aspirations profondes du pays sont tout à fait différentes et chacun le sait. Avec 84 Directives européennes non encore transposées dans le Droit interne français, lHexagone persiste à être inutilement la lanterne rouge juridique de lEurope.
Menés à la baguette par un Debré, les travaux de nos assemblées joignent ainsi linefficacité à lautoritarisme, parfaite illustration de ce que Jean-François Revel appelait "lAbsolutisme inefficace"dans son livre écrit en 1992 "contre le présidentialisme à la française"avant même le retour des artisans de ce présidentialisme.
La vraie crise française découle donc avant toute autre considération de lincohérence de nos institutions.
JG Malliarakis
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent... La Chronique de l'Europe libre
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis
en souscrivant un abonnement payant