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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 15 JUILLET 2003
DIALOGUE ET TECHNOCRATIE
"Nous organiserons des élections libres quand l'opposition n'aura aucune chance de les gagner" Hugo Banzer, président bolivien (1926-2002)
Cest en elle-même une bonne idée, dont le président de la république sest emparé le 14 juillet en prônant le dialogue. La société française souffre en effet, peut-être plus que ne le pense ordinairement M. Chirac, dune cruelle absence de dialogue.
Nombreux sont les facteurs de blocage de ce dialogue. Il y a les tabous, les interdits, les lois explicitement restrictives de la liberté dexpression et leurs gardiens du temple agréés. Sur ces bornes plus ou moins légitimes se sont greffés divers mots dordre de la pensée unique.
La France est un pays où lexpression , "il nest pas question de" est un argument de poids.
Quand on y adopte une loi permettant, enfin, timidement le développement dune épargne patrimoniale en vue de la retraite, on la fait précéder dun article 1er faisant de la Répartition du dogme intangible pour 60 millions de Français, plus de 60 ans après son instauration par voie autoritaire au profit dun million de vieux travailleurs.
Dialogue et débat sont en effet indissociables. On ne dialogue pas en se regardant dans un miroir et en attendant de son interlocuteur quil dise exactement les mêmes mots.
Or, nos technocrates nimaginent pas pouvoir être vraiment contredits.
On a pu le mesurer à loccasion de la rédaction pénible du projet de Constitution européenne sous la présidence de M. Giscard dEstaing, en théorie par une Convention de 105 personnes. Cet homme est tellement intelligent, tellement européen, tellement sage, quau fond, sa conviction est quon aurait pu réduire de 104 membres les effectifs pléthoriques de cette convention. Quant à négocier enfin entre les 25 ou 27 nations appelées à abdiquer leur souveraineté dans un Traité constitutionnel, cela ne lui paraît pas une bonne idée.
La technocratie française a pensé pour lEurope et cela suffit à tous nos énarques.
Certes, les technocrates se reconnaissent un interlocuteur valable : cest la CGT. Nallons pas dire quils veulent tenir compte des liens de celle-ci avec lappareil communiste et avec lidéologie marxiste. Le dialogue des technocrates ne veut pas sencombrer de telles arrières pensées. Le camarade Thibault est un cheminot, le camarade Aschieri est un enseignant, le camarade Bové est un paysan. Que dis-je, un cheminot, un enseignant, un paysan : ils sont le chemin de fer donc la classe ouvrière, lécole donc la citoyenneté, la ruralité donc lauthenticité des racines françaises. Ensemble, ils sont le peuple. Leffort nécessaire relève de la "pédagogie". Le dialogue emprunte à la maïeutique de Socrate : on doit faire admettre à ce peuple lhabillage des évolutions pensées, pour lui, par les hautes sphères.
On comprend bien quune telle démarche est alors exclusive de tout dialogue et de tout débat avec tout autre forme de contestation. Imaginer une ouverture vers des revendications populistes ? Vers des thèses ultra-libérales ? Pouah ! Vous ny pensez pas.
Le dialogue technocratique nest quun renforcement subtil de lautoritarisme et de la pensée unique.
Pendant ce temps, ce sont à Carhaix en Bretagne, les bénévoles du Festival des Vieilles Charrues qui, sans aucun soutien de lÉtat central, enrayent sans complexes le sabotage et le chantage de la CGT et des fameux "intermittents du spectacle".
Voilà qui donne à réfléchir quand on voit que tout en prétendant que M. Bové est "un Français comme les autres", le même État central raccourcit de 4 mois la peine infligée à ce " Français comme les autres" martyr artificiel de la pensée unique.
Un jour risque de venir où la masse des Français posera alors la question : puisquil ne sait plus ni assumer ses tâches de police, ni faire appliquer la loi par la justice, ni défendre les frontières, à quoi sert lÉtat central accaparé par les technocrates ?
Le débat, dès lors, serait nouveau et le dialogue deviendrait enfin intéressant.
Jean-Gilles Malliarakis
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