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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 17 JUILLET 2003

UN TRES MAUVAIS POINT POUR L’ELEVE MATTEI

Professeur de médecine étiqueté libéral

Cela s’est passé ce 16 juillet à l’Assemblée Nationale. Les députés contraints de travailler en session extraordinaire par l’interminable débat sur la Réforme des Retraites débattaient du sport. Et il y a certes beaucoup à dire sur les conceptions archaïques dans lesquelles se trouvent encore encadrées les activités françaises de haute compétition et le sport spectacle. Visiblement, toute une partie de notre société demeure nostalgique de l’Allemagne de l’Est et de ses nageuses d’État.

Mais, précisément, pour troubler la fête, est arrivé un cavalier. Dans le jargon parlementaire, cela ne désigne ni un lecteur de Xénophon et ni un maître de son Art équestre.

Il s’agissait ici d’un amendement surprise d’origine gouvernementale n’ayant strictement rien à voir avec le texte en discussion sur les activités sportives et son article 5 ter.

Cette manœuvre était pilotée par le Ministre Mattei, dont on a eu l’habileté de faire un ministre de la Santé en même temps que le responsable apparent de la sécurité sociale (1) et de sa branche maladie. Le Professeur Mattei a pour réputation d’être étiqueté catholique, libéral et médecin. Il est donc particulièrement bien placé pour couvrir des opérations technocratiques qui devraient déplaire à ses coreligionnaires, confrères et compagnons en libéralisme. Et l'on ne se prive pas de cette ressource.

En septembre 2001, un arrêté ministériel inaugurait une nouvelle vague de déremboursements massifs de médicaments dont les services de Mme Guigou invoquaient le service médical rendu jugé administrativement insuffisant.

Selon les cas, ce SMR insuffisant allait entraîner pour les uns une diminution du taux de prise en charge par les assurances de bases, pour les autres une suppression pure et simple de ce remboursement. Dans le premier cas, l'affaire est fort ennuyeuse pour les mutuelles et autres assurances complémentaires, puisqu’elles supporteront la différence. Dans le second cas, on s’aligne sur la doctrine même du groupe de pression des mutuelles dont l’importance philosophique n’échappe à personne.

Depuis, en date du 20 juin 2003, le Conseil d’État a cassé partiellement l’arrêté pour 2 médicaments sur 148, à la suite du recours victorieux du Laboratoire Servier. M. Mattei avec son cavalier législatif a donc prétendu faire échec à la jurisprudence en faisant voter une loi d’urgence.

Cette procédure est, dans sa technique parlementaire, une pratique regrettable mais elle est commune à toutes les majorités ; ici, par son immixtion dans les sources de droit, elle contrevient aux principes fondamentaux. Une telle atteinte à la séparation des pouvoirs se voit assez régulièrement condamnée par la Cour européenne des Droits de l’homme siégeant à Strasbourg.

M. Mattei invoque le piètre argument selon lequel sa politique de déremboursement est essentielle pour l’équilibre des comptes de l’assurance maladie. Une telle rhétorique est tout simplement grotesque et il est surprenant que les médiats la reproduisent sans réfléchir.

En 2003, le déficit de l’assurance maladie est évalué aux alentours de 9,7 milliards d’euros. C’est évidemment considérable.

Or, les économies qui pourraient être grignotées par les gestionnaires du système du fait de leur politique du médicament sont escomptées, de manière très optimiste, à hauteur de 100 millions d’euros : à peine 1% de ce déficit…

De plus, les travaux de la Cour des Comptes en vue du Rapport spécial sur la sécurité sociale, qui sera remis au parlement en septembre mettent particulièrement en cause la surconsommation des médicaments par les personnes âgées.

Croit-on vraiment qu’en déremboursant la spécialité française X on évitera de transférer cette surconsommation, psychologique et culturelle, sur une spécialité Y qui sera accessoirement plus chère, probablement nord-américaine et éventuellement plus dangereuse ?

Il n’est pas brillant, quand on dispose des leviers de commande de l'État, au point où la majorité actuelle les a acquis, de bouleverser les procédures et de bafouer la séparation des pouvoirs pour prétendre économiser 1 % d'un déficit et quelque 0,06 % d’un budget en plein dérapage par ailleurs.

Certes on verra applaudir quelques groupes de pression à courte vue, baignant dans une indifférence juridique n’ayant d’équivalence que leur inculture économique.

Voilà le commentaire qui vient à l’esprit au moins socialiste des observateurs.

M. Mattei présida dans la législature précédente le groupe parlementaire Démocratie Libérale.

Avec des "démocrates" et des "libéraux" de cette trempe, on n’a guère besoin de socialistes avoués pour maintenir la France dans ses archaïsmes technocratiques.

Jean-Gilles Malliarakis

(1) dont il préside symboliquement la Commission des Comptes.

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