COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 18 JUILLET 2003
AUTOUR DE LA BAISSE DE LA TVA DANS LA RESTAURATION
Le dossier nest pas seulement technique
On présente, en ce moment, comme une grande victoire obtenue par lÉtat français, que le taux de la TVA applicable à la restauration puisse (peut-être) bientôt être ramenée à 5,5 % au lieu de 19,6 %.
Sagissant dune promesse électorale du candidat Chirac lors de la campagne présidentielle de 2002, on conviendra certes que lidée de la voir éventuellement mise en pratique soit un événement.
Que cette bonne nouvelle, encore très virtuelle, vienne compenser la morosité du secteur de lhôtellerie et surtout de la restauration dans notre pays, on sen réjouira également.
On rappellera cependant que la TVA au taux réduit nest plus lunique préoccupation de ce secteur professionnel, auquel les Français sont très fort attachés et dont ils sont légitimement en droit de tirer une certaine fierté, en même temps quil apporte dintéressantes ressources à léconomie nationale.
Depuis les dernières années, outre les conséquences dune conjoncture grisâtre, les entreprises françaises de restauration souffrent, par exemple, aussi
On remarquera, de plus, que cette baisse de la TVA est immédiatement présentée comme un "cadeau fiscal fait aux entreprises".
Dès le 17 juillet commençait la ritournelle inquantifiable par la voix, très virile mais geignarde, dun représentant de lUnion fédérale des consommateurs auquel la radio d'État RFI donnait la parole sur le thème : "Ils ne vont pas baisser leurs prix".
On voyait là, une fois de plus, les limites de la théorie fiscaliste de Maurice Lauré, inventeur de la TVA dans les années 1950, aux yeux duquel cet impôt payé par les entreprises ne serait supporté, en principe, que "par lutilisateur final".
Mais il convient aussi de souligner dautres aspects de cette décision européenne en cours dadoption. Tout dabord, elle na jamais franchi ce 16 juillet que le cap du consensus des Commissaires européens. Or, deux pays et leurs membres respectifs de lexécutif européen sy opposent : la Grande-Bretagne et lIrlande. En effet, il sagit dun ensemble de dispositifs relatifs aux 20 familles de produits et services qui bénéficieront dans lavenir du fameux Taux réduit, le taux dit normal de la TVA étant désormais fixé dans toute lEurope dans une fourchette entre 15 et 25 %. Sur certains points, et notamment sur la chasse au "taux zéro", particulièrement son application aux vêtements d'enfants, Anglais et Irlandais ne sont pas d'accord
Si lon devait illustrer à quel point lEurope des technocrates sest dores et déjà substituée aux reliquats de souverainetés nationales, on trouverait difficilement un meilleur exemple pratique.
La France, ou plutôt le gouvernement français, milite pour lharmonisation fiscale au sein de lUnion européenne.
La position britannique semble plus raisonnable, car elle aboutit à une compétitivité fiscale et administrative.
On remarquera, en se basant sur les exemples de la Suisse ou des États-Unis, que la compétition entre les Cantons ou les États nest nullement incompatible avec le lien fédéral, bien au contraire.
Lharmonisation à la française pousse à une fiscalité généralement plus lourde.
La compétitivité fiscale et administrative, à la suisse ou à laméricaine, préconisée par lAngleterre pousse au contraire à une décrue fiscale.
On peut, certes, et l'on doit donc souhaiter, dans le cas précis que le taux de la TVA appliquée à lactivité de restauration puisse baisser enfin en France.
Mais quon ne vienne pas confondre ceci avec les gesticulations (anti) européennes du chef de lÉtat.
Au mieux, y verra-t-on (1) un succès pour le chef du Gouvernement M. Jean-Pierre Raffarin qui s'est personnellement beaucoup investi dans la négociation.
Cela prouvera aussi que les vrais dossiers ne se gèrent pas dans la démagogie hexagonale mais sur un terrain inéluctablement communautaire.
Que cela plaise ou non, on aura démontré, de manière tangible, que le vrai choix nest plus entre souveraineté hexagonale et construction européenne, mais entre lEurope des technocrates et lEurope des Libertés...
Jean-Gilles Malliarakis
(1) Si finalement le Conseil des Ministres européens de lÉconomie et des Finances saligne sur la revendication française et sur la proposition de la Commission.
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