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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 18 SEPTEMBRE 2003

LE SAUVETAGE D’ALSTOM EST-IL UNE OPERATION PERTINENTE ?

Pourquoi les braves gens se laissent-ils toujours tromper ?

Une fois de plus les négociations autour d’Alstom sont présentées aux Français en référence à une dramaturgie nationale. À en croire les médiats, relayant eux-mêmes les mots d’ordre politiciens, il faudrait à tout prix que le contribuable français subventionne cette énorme entreprise afin, nous dit-on, d'en sauver l’emploi. Et bien entendu les méchants technocrates de Bruxelles sont présentés comme d’affreux empêcheurs de tourner en rond, insensibles au drame des 110 000 salariés, etc…

On se souvient qu’au mois d’août, le gouvernement de Paris avait dédaigneusement repoussé le projet des 32 banques créancières d’Alstom et leur avait imposé une solution miracle où 31% du capital reviendrait à l’État qui, d’autre part, assurerait la trésorerie du groupe. On s’acheminait ainsi vers une sorte de nouvelle nationalisation d’une entreprise dont les 3/4 des employés sont à l’Étranger.

Certes, d’un strict point de vue technique, l’édifice industriel que représente Alstom est très intéressant. Il correspond à l’idée de la modernité qu’on se faisait dans les années 1930, idée qui a donné naissance aux combinats de la défunte Union soviétique et, en France, à un énorme conglomérat produisant 20 % des centrales électriques installées dans le monde, 60 % des trains à grandes vitesses, un nombre impressionnant de paquebots et des pertes à concurrence de 1,4 milliards d’euros.

La fabrication des locomotives a, de ce point de vue, un caractère paradigmatique. Le gouvernement Chautemps de 1937 savait sans doute ce qu’il faisait en créant la SNCF sur la base de la nationalisation des compagnies privées de chemin de fer existantes. Il allait permettre à de beaux technocrates, sortis des bonnes écoles, d’acheter de splendides locomotives à leurs anciens condisciples – aux frais d’un public grisé par la vitesse des trains les plus rapides du monde. Souvenez-vous : Paris-Lille à 200 km/h quand nous étions enfants ! Et aujourd’hui Paris-Lyon en 2 heures ! Et Paris-Bruxelles ! Paris-Londres aussi grâce au tunnel sous la Manche.

Il est regrettable qu’on soit tenté d’ironiser sur de telles prouesses techniques, car elles sont remarquables.

Hélas, en dehors du TGV jusqu’à Lyon, rien de tout cela n’est rentable, par la faute des technocrates, par leurs compromis permanents avec les bureaucraties syndicales qui, elles, ont parfaitement su tirer leur épingle du jeu.

Contrairement à la publicité mensongère de la SNCF, — qui disait naguère "Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous", — la seule chose que tous partagent dans le système actuel c’est l’addition.

Car le train dessert de manière totalement inégale les Français : regardez la carte.

Mais tous payent et payeront pour le déficit de Lyon-Marseille.

L’important aux yeux des technocrates est que l’on continue à exporter les déficits, à fabriquer (à perte) des locomotives.

Peu leur importe si, au total, cette offre étatisée monopoliste de transport public se trouve précisément à l’origine du tarissement dommageable de l’offre de transport public.

En mettant un peu (pas beaucoup, hélas, pas assez) d’ordre dans tout cela, Bruxelles ne défend pas seulement les principes de concurrence en Europe. Bruxelles défend ici les contribuables français, les utilisateurs français – tous les Français contre les délires des technocrates français et les magouilles de la CGT.

Bruxelles a ici raison, Bercy a tort.

Bien entendu, la faillite d’Alstom est une catastrophe. Mais la catastrophe suprême, la catastrophe majeure, c’est l’interventionnisme ministériel et démagogique dans le chemin de fer, à commencer par les subventions dont le principe commence aux XIX siècle.

Et, comme pour le Concorde, nous allons voir une fois de plus d’excellents Français, bien intentionnés, emboucher dans cette affaire les trompettes du "nationalisme économique".

Tout cela, bien sûr, c’est la faute d’un certain Iceberg : pas la peine de vous faire un dessin.

Mais pourquoi grands dieux, les braves gens de France se laissent-ils toujours tromper ?

JG Malliarakis

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