... Pour être confiée aux pédagogues démagogues... La réponse est dans une offre diversifiée permettant le libre choix
Un récent courrier de lecteur me demandait mon avis à propos dun sujet tout à fait emblématique du débat sur lécole. Il sagit de lenseignement de la langue allemande, choisie par quelque 15 % des familles seulement comme première langue et ceci contre lintérêt pédagogique des enfants.
Sur ce sujet, je partage entièrement la préoccupation de ce professeur, ayant consacré une petite étude à cette question (1) lorsque lon décida, Lionel Jospin étant ministre de lÉducation nationale, dintroduire une initiation aux langues étrangères dans le primaire.
Après plus de 10 années dexpérimentation, on devrait d'abord reconnaître que cette introduction bien intentionnée était une erreur (2).
Mais il faut admettre aussi que toute lévolution de lenseignement des langues, en dépit dinvestissements considérables en moyens financiers, et malgré de notables progrès pédagogiques, est en train de conduire à une catastrophe majeure : les jeunes Français perdent de plus en plus la connaissance des langues parlées par leurs voisins du continent européen et ils ne progressent même pas dans la connaissance de langlais.
Mon correspondant, cependant, suggère que lÉtat devrait "corriger" la tendance malencontreuse des familles à choisir langlais en première langue. Et si lon se place dans la situation du "grand débat sur lécole", cest évidemment la première idée qui vient à l'esprit de tout linguiste sérieux. Pour la plupart des enfants issus dun milieu familial francophone, on peut considérer ou bien que langlais ne sera pas parlé à la fin de leurs études secondaires, et c'est clairement le cas de la grande majorité des clients du système scolaire ou bien qu'il sapprend en 4 ans, bénéficiant beaucoup dun apprentissage de 2 ans dallemand en première langue.
Or, la description même dun tel cursus caractérise une filière dexcellence, qui concerne globalement au maximum 3 à 5 % de la population.
Notre État égalitaire ne corrigera pas cette réalité.
Par conséquent, toutes ses interventions ne peuvent conduire quà abaisser le niveau des meilleurs et les plonger dans une masse entraînée inexorablement vers labsurde "tout anglais", lui-même le plus souvent ravalé au degré de la décadence linguistique des pédagogues gauchistes américains privilégiant les formes barbares, elliptiques, etc. Un beau gâchis.
Si on se préoccupe du renouveau de ce quon appelle les "langues rares" (3), du droit pour les jeunes Français de découvrir les langues anciennes, ou de la possibilité pour les familles daccéder à lallemand en première langue (mais aussi au russe ! etc. ), la seule vraie réponse est dans lapparition dune offre diversifiée permettant le libre choix.
Si on ouvre, au hasard, la célèbre et remarquable biographie de Nietzsche par Daniel Halévy, on y découvre quau fameux collège de Pforta, au xixe siècle, tous les petits élèves futurs pasteurs luthériens apprenaient 6 (six) langues dont obligatoirement le latin, le grec et lhébreu.
À la même époque, TOUS les futurs savants, physiciens, chimistes, etc. étaient passés par des filières dexcellences très littéraires dans TOUTE lEurope, et aux États-Unis, où on apprenait le latin et le grec. Cela ne semble avoir entravé aucun essor scientifique, technique, mathématique, etc.
Au contraire, ayant subi des études mathématiques jusquà la licence, je me permets de poser la question suivante à mes amis lecteurs : à quoi leur a servi, dans lexistence, les fameux cas dégalité des triangles ?
Combien déquations du second degré ont-ils résolu dans leur vie pratique ?
Une bonne connaissance de Virgile, de Tite-Live, dHomère ou de Platon ne leur semble-t-elle pas nettement plus fondamentale ? Ceci pour ne rien dire de la Bible et des Pères de lÉglise dont sont tirées à peu près les 3/4 des sujets des uvres dart quon peut admirer dans les musées, et quon apprécie nettement mieux quand on les comprend.
Tout cela pour dire que léducation et linstruction me semblent des choses beaucoup trop sérieuses pour être abandonnées à lÉtat démagogue qui cherche à se faire pédagogue.
JG Malliarakis
(1) Publiée par le défunt Choc du Mois.
(2) Je le confesse d'autant plus volontiers aujourd'hui que j'étais alors plutôt favorable à cette expérience, soutenant la préférence pour l'allemand première langue.
(3) Dans lesquelles on classe des idiomes parlés ou compris par des centaines de millions de personnes.Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder au Courrier précédent ... La Chronique de l'Europe libre
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