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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 22 SEPTEMBRE 2003
LA FRANCE SE PORTE MAL MAIS...
... voir la réalité en face peut l'aider à guérir.
QUAND DONC LA CLASSE POLITIQUE ACCEPTERA-T-ELLE LEVALUATION COMPARATIVE DU "BENCHMARKING" ?...
Dans les comparaisons de cet ordre, il existe cependant diverses manières, sinon docculter, du moins de retarder la prise de conscience des contre-performances d'un pays. Par exemple, Alain Besançon pouvait ironiser dans ses écrits sur lURSS sur la fameuse prétention de celle-ci à être "le premier producteur dacier". Car, disait-il, cette production dacier se décomposait en "fausse production dacier", "vraie production de faux acier" voire aussi en "fausse production de faux acier" et le reste en "production dacier pour la rouille".
La méthode de gouvernance, appelée "benchmarking" dans les entreprises, peut nous paraître un peu irritante par sa dénomination même, à laquelle ni le grand public français ni la classe médiatique ne sont guère habitués.
Son application aux économies nationales nen est pas moins nécessaire, sous forme dévaluation comparative à finalité normative.
Souvent, par exemple, avons-nous entendu de prétendus économistes "à la française" ironiser quant aux "indices synthétiques de liberté" publiés chaque année par des organismes américains, eux-mêmes prisés par le Wall Street Journal, ou quant à lindice Forbes de pression fiscale additionnant les principaux taux de prélèvements fiscaux et sociaux.
On comprend que certains Français rechignent face à de telles évaluations : la France vient en effet après la Barbade pour ce qui est de l'indice de la liberté, et elle se situe "en tête" de tous les grands pays industriels pour ce qui est de l'indice Forbes de misère fiscale
De même les fameux critères de Maastricht, et notamment le taux de 3 %, de "déficit maximal des administrations publiques rapporté au produit intérieur brut" avaient été mis en place sous linfluence principalement de la France et de lAllemagne. Aujourdhui que la France et lAllemagne, contrairement à la plupart des pays européens, exactement 12 sur 15, sont en infraction avec les règles quelles ont imposées. Alors les règles sont décrétées, par les bons esprits selon la pensée unique, obsolètes, ridicules, contre-productives.
Lévaluation comparative nest donc pas neutre.
Il sagit pour les pays concernés de se situer, soit par rapport à des pays comparables, soit à un groupe de pays complet comme le G8 ou lEurope des 15.
Et souvent on nous présente des comparaisons clairement incomplètes comme "France, États-Unis, Danemark" sagissant de la fiscalité directe où lon communique alors sur le fait que la France se situe dans une honnête "moyenne". Elle est en effet plus fiscaliste que lAmérique, mais elle apparaît l'être moins que la Scandinavie, en omettant de dire que dans les systèmes nordiques la protection sociale est incluse dans la fiscalité.
Il y a donc pas mal de chemin à faire pour mettre en place une évaluation comparative honnête. Je ne sais pas si en lappelant définitivement, en français, "benchmarking" (1) on prendra plus dassurance. Ce qui est certain, cest que la voie des réformes passe par une telle mise en place. On aura énormément progressé dès lors quon saura, en France, à quel point 60 ans de "meilleur des systèmes" nous ont amenés à un stade de paupérisation proche du résultat des 70 ans de "meilleur des mondes" en Russie, dans le cadre dun effroyable déclin, dun effroyable gâchis.
Ce qui justifie dailleurs le recours à de tels modes dévaluation, cest en définitive leur convergence. On ne sattardera pas à défendre plus particulièrement lindice Forbes de fiscalisme ou tel tableau de lOCDE ou telle synthèse dEurostat.
Aucune statistique ne peut être tenue pour une représentation pleinement satisfaisante de la réalité économique.
Que dire alors de tableaux comparatifs prenant pour argent comptant les agrégats calculés par les États eux-mêmes ?
Comme autrefois dans les pays de lEst, où lon ne publiait que des pourcentages daugmentation, eux-mêmes bidonnés, on aime beaucoup en France certains chiffres bruts du commerce extérieur. On ferait mieux de voir la réalité en face et de cesser dinterroger le "miroir gentil miroir" choisi pour ses réponses imperturbablement rassurantes.
La France se porte mal, mais elle peut guérir.
Elle na que faire des fables quon décline aux malades incurables.
Jean-Gilles Malliarakis
(1) Ce mot, certes, nous le comprenons, ou nous croyons le comprendre. On en chercherait vainement une traduction précise dans l'édition senior du Robert et Collins.
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