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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 24 SEPTEMBRE 2003

LAÏCITES CONTRADICTOIRES...

Au moment où l’on apprend qu’un lycée d’Aubervilliers vient d’exclure deux jeunes filles refusant d’enlever leur voile islamique, ce n’est pas mauvais de faire le point du débat sur la laïcité. Le moins que l’on puisse dire est qu’il est franchement mal engagé.

Tout d’abord, en examinant toutes les prises de position, il semble que désormais la laïcité française ne se définit plus que par rapport à l’islam, au statut coranique de la femme et de la famille, etc.

Est-ce à dire que le phénomène religieux en ce début du XXI siècle se réduise à la religion de Mahomet dans notre pays ? On pourrait le croire.

À prendre isolément telle ou telle proposition, dans le brouillard des affirmations arbitraires, on en arriverait presque à trouver de l’intelligence là où l’on en attend le moins : dans les propos de la camarade Marie-Georges Buffet. Celle-ci remarque, par exemple, que le voile islamique choquant dans le cadre scolaire ne l’en est pas moins dans la rue. Elle souligne également que ce qui pose problème ce n’est pas le signe religieux, mais la conception de la femme à laquelle il renvoie.

Si Mme Buffet avait un peu de logique, elle concevrait que la forme d’islam dont découle l’imposition de ce voile est tout simplement incompatible avec l’Europe en général et avec la société française en particulier. Les islamistes doivent donc être tenus pour des Étrangers inassimilables en France et d’ailleurs divers incidents récents, au cours de cérémonies dites d’intégration, confirment cette doctrine. Jusqu’à la fin des années 1990 il était considéré que le port du voile était incompatible avec l’obtention de la citoyenneté française et même M. Fillon semble suggérer désormais qu’il faudrait y revenir.

Le danger de tout ce débat est qu’il tend à déborder sur les autres religions et à dénaturer le sens de la laïcité française et à restreindre un peu plus les libertés sociales. Sous prétexte d’imposer des règles laïcistes à l’islam, on s’apprête à les étendre à toutes les familles, à toutes les écoles, à toutes les associations. Et, bien entendu, leur sévérité frappera plus particulièrement ceux qui acceptent la mainmise d’État en bons citoyens respectueux. Elle sera probablement de nul effet pratique sur les islamistes radicaux.

La laïcité française va ainsi se retrouver à la croisée des chemins et, paradoxalement, la prétention de M. Chirac de repenser la loi de 1905 à l’occasion de son centenaire n’a pas que des inconvénients.

Il existe en effet trois familles de conceptions radicalement opposées de la séparation de l’Église et de l’État que nous appelons indistinctement "laïcité".

La laïcité française a été mise en place sur la base du programme républicain radical dit de Belleville formulé en 1869 par Gambetta. Son triomphe caractérisa le gouvernement d’Émile Combes de mai 1902 à janvier 1905. Ce gouvernement met en application la loi sur les associations et sur les congrégations ultra-répressives, supprimant d’un trait de plume en quelques jours, plus de 2 500 écoles religieuses et faisant voter la loi de juillet 1904 interdisant purement et simplement l’enseignement congréganiste. Finalement la loi de 1905 dont le rapporteur était Briand, supposé moins sectaire, put paraître une loi d’apaisement tant la laïcité française aura été nettement dirigée contre le catholicisme.

Ce qu’on appelle laïcité en Turquie, c’est tout autre chose. C’est à peu de chose près le concordat napoléonien de 1801, une sorte de retour au concordat de Bologne de 1516 mettant l’église en France sous le contrôle de l’État. Ceci provoqua de nombreux abus contre lesquels s’insurgèrent les anticléricaux mais que la Turquie copia au contraire dès le XVI siècle et qu’elle renouvela au XX siècle avec sa soi disant laïcité. La république turque encadre étroitement un islam détourné au profit du nationalisme, alors que, dans les années 1920, son fondateur Mustapha Kémal déclarait sans périphrases : "l’islam cette théologie putride inventée par un Bédouin immoral est un cadavre décomposé qui empoisonne nos vies".

Ceci n’a évidemment rien à voir avec le Bill of Rights américain qui fonde au contraire, depuis la plus entière liberté religieuse. L’État américain n’exerce aucun contrôle sur les Églises. Il est à la fois entièrement laïc, et résolument favorable au fait religieux.

Il faudra donc bien, un jour ou l’autre, choisir entre ces 3 formes totalement contradictoires de la "laïcité".

Jean-Gilles Malliarakis

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