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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 2 OCTOBRE 2003

DE QUELQUES LÉGITIMES INQUIÉTUDES FACE AU GIGANTISME D’AIR FRANCE

L'actuel président M. Spinetta avait été imposé à l'époque des ministres communistes afin de contrecarrer les velléités de privatisation…

Au lendemain de l’annonce, diffusée le 30 septembre, de l’accord entre Air France et KLM, il serait sans doute utile de se poser certaines questions, sinon sur la pertinence de cette demi-fusion, du moins sur ses modalités et sur ses perspectives.

On hésite toujours, en présence de la griserie médiatique saluant le "premier groupe mondial", porté lui-même par un énorme chiffre d’affaires additionné, à paraître tant soit peu grincheux et même à sembler critique.

Pourtant, les détails de l’accord ne sauraient être tenus pour négligeables.

Dès lors, en effet qu’on se gargarise de gigantisme, avec 19,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 106 000 salariés, 540 avions et même 640 milliards de kilomètres passagers pour le réseau commercial Sky Team dominé par Air France, on doit bien se poser la question de la rentabilité.

À société géante, ou bien bénéfice géant, ou bien, au contraire, déficit géant et dépôt de bilan retentissant.

KLM, par exemple, avait entrepris une politique de réduction de ses effectifs et ses résultats ne sont pas fameux : perte de 156 millions d’euros en 2002, prévision de perte à hauteur de 186 millions pour 2003. Les actionnaires de la compagnie vont d’ailleurs empocher une plus-value de 40 % par rapport au dernier cours de la Bourse d’Amsterdam.

Avec une croissance externe de cette qualité, le groupe Air France risque de souffrir, y compris s’il rachète Alitalia encore détenu à 62 % par l’État italien qui ne sera peut-être pas fâché de confier ce bébé à la nounou française.

Un aspect positif de cette manœuvre tient apparemment au fait que la part de l’État français passerait de 54 % à 44 %. On doit saluer ce premier pas, qui avait d’ailleurs été timidement esquissé par le Parlement en avril.

Mais, ou bien la rentrée parlementaire donne enfin l’occasion à la majorité UMP soutenue par l’UDF de faire voter solennellement le principe d’une privatisation totale, avec le soutien de l’opinion publique, ou bien on risque de retrouver une fois de plus dans le marécage pervers de l’économie mixte. Et cela coûtera très cher, aussi bien au contribuable qu’à l’usager, notamment sur le marché intérieur français (1).

Le public français demeure en effet tributaire du mythe des compagnies aériennes d’État.

Or, Air France s’est créé en 1933 sur une base privée (2) et les plus grandes compagnies mondiales sont privées. De ce fait, elles ont beaucoup moins de poids quand il s’agit d’imposer aux États leurs monopoles en liaison avec le chemin de fer comme nous sommes habitués à l’observer en France. Et comme l’instauration du Ciel ouvert (3) va évidemment bouleverser le marché du transport aérien des deux côtés de l’Atlantique, il est urgent de préparer les opérateurs français à une vraie culture de la concurrence.

Rappelons à ce sujet qu’en réalité, le programme de réduction de personnel à KLM, le groupe fusionné comptera 7 200 navigants techniques et 20 000 navigants commerciaux, mais aussi plus de 73 % de personnels non-navigants. Cette structure demeure très coûteuse et peu compétitive. Or, on voit mal, sous la houlette du socialiste Jean-Cyril Spinetta (4) comment elle va évoluer. La promesse d’une compression des coûts "dès la 5 année" (!), c’est-à-dire dans très longtemps, confirme le bien-fondé de nos inquiétudes. Rappelons aussi que la procédure sera passée aux cribles des autorités compétentes aux États-Unis comme en Europe du point de vue de la concurrence. L’entreprise fusionnée ne pourra pas éternellement espérer de soutiens financiers ou de subventions déguisées de la part des États français ou néerlandais.

Saluons donc, au besoin, la réalisation technique lorsqu’elle est là.

Mais ne nous laissons surtout pas aveugler par les doctrines et les pratiques de nos technocrates adeptes du gigantisme.

C’est en effet cette tournure d’esprit qui les porte à brimer, à réprimer et à mépriser les petites entreprises et les entrepreneurs individuels dont la France a tant besoin.

Jean-Gilles Malliarakis

  1. Où Air France cherche à reconstituer son quasi monopole par tous les moyens.
  2. Air France n'a été nationalisé qu'en 1945.
  3. En cours de négociation entre Européens et Américains.
  4. L'actuel président d'Air France a été imposé en 1997 par les socialo-communistes afin de contrecarrer les velléités de privatisation de Christian Blanc.

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