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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 3 OCTOBRE 2003

QUAND DONC EN FINIRA-T-ON AVEC LES SUBVENTIONS DE BULL ?

Le contentieux Bull fait l’objet d’une plainte déposée par le commissaire à la concurrence, M. Mario Monti

Le Diable est monotone disaient les confesseurs d’autrefois. Et le Diable protectionniste est très monotone. Et, contrairement à la réputation de Belzébuth, ce diable n’est ni beau ni intelligent. Il pue… Le voilà de retour avec le contentieux entre le gouvernement de Paris et les autorités européennes en charge de la concurrence, particulièrement irritées par les aides à répétition que les technocrates parisiens accordent au nain français de l’informatique, la compagnie Bull.

Soulignons d’abord que ce nain, s’il a certainement des actionnaires français (France Télécom 17 % et l’État 16 %), est essentiellement tributaire des partenaires japonais et nord-américains NEC 17 %, Motorola 17 % et Dai Nippon Printing 5,3 %.

Le groupe surendetté, employant encore 8 000 salariés eux-mêmes embourbés dans des services informatiques en déclin, est le dernier vestige d’une grande ambition dirigiste oubliée, le Plan Calcul.

Le Budget de l’État français le subventionne de manière chronique et stérile. Mais la dernière aide accordée, d’un montant de 450 millions d’euros, avait le caractère d’un prêt qui devait être obligatoirement remboursé à l’échéance de 17 juin 2003. Au-delà de cette date, le soutien étatique français apparaissait contraire à la fois aux règles de la concurrence européenne et aux engagements souscrits par le gouvernement de Paris.

Ce cas n’est pas isolé. Qu’il s’agisse d’Alstom, de la SNCF, de France Télécom ou d’EDF, les technocrates de Bercy n’hésitent ni à enfreindre les principes communautaires, ni à piller joyeusement dans le produit des contributions des citoyens pour soutenir les réseaux d’intérêts du prétendu secteur public, de ses équipes dirigeantes, de ses bureaucraties syndicales et de ses fournisseurs. Ce pacte monopoliste est présenté au public comme une sorte de grande cause nationale et on cherche à convaincre les Français qu’ils sont liés à ces pratiques, qu’ils doivent les soutenir comme ils sont supposés "soutenir" leur équipe nationale de football.

Le cas de Bull est évidemment le plus intéressant à observer car il est en bout de cycle : totalement exsangue, Bull préfigure la déconstruction industrielle dont les grands monopoles historiques, France Télécom, EDF ou SNCF ne donnent aujourd’hui que quelques signes avant-coureurs.

On peut s’illusionner naïvement encore de la constitution du géant franco-néerlandais Air France-KLM. Rien de cette illusion n’est plus possible s’agissant de Bull qui, de surcroît, a usé stérilement, depuis 30 ans, non seulement des subventions publiques mais également une part de la matière grise informatique formée dans les grandes écoles scientifiques françaises et gâchée par l’usine à gaz étatiste. Il serait intéressant d’ailleurs de faire un jour courageusement le bilan de ce terrible gâchis entre le Ministère de l’Industrie, la direction de la SNCF, etc.

Dans la pratique, le contentieux Bull fait l’objet depuis le 1er octobre d’une plainte déposée par le commissaire européen à la concurrence, M. Mario Monti et qui sera jugée par la Cour européenne de justice siégeant à Luxembourg. On est en face d’une violation grave des règles de concurrence et ce qui avait été sauvé in extremis le 22 septembre dans les dossiers d’Alstom et de France Télécom ne peut plus l’être.

Quand donc les technocrates parisiens comprendront-ils qu’il est dans l’intérêt de l’ensemble du pays, qu’ils administrent encore, de renoncer à toutes leurs interventions ?

Le drame est en effet qu’ils ne sont même pas corrompus au sens banal du terme : ils n’ont eux-mêmes aucun intéressement direct, ils n'encaissent aucun gras bakchich tangible, sur les sommes qu’ils dilapident.

C’est plus subtil. C’est pire.

On se trouve en présence d’une nomenclature de type soviétoïde. Elle n'a sûrement pas à se plaindre de l'incidence matérielle du processus de redistribution. Mais elle n’accumule pas en vue de l’investissement créatif et productif. Or, ce type d’accumulation productive est la nécessaire et féconde caractéristique du capitalisme, et c'est bien cela qui demeure honni de toutes les utopies étatistes dont l’accouplement a engendré la technocratie française et les subventionneurs de Bull.

Jean-Gilles Malliarakis
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